dimanche 18 décembre 2016

PORTRAITS DE SOLDATS DE LA GRANDE GUERRE (Deuxième partie - deuxième portrait)

MAURICE GRANDJEAN, SOLDAT À VERDUN ET DANS LA SOMME
1914 – 1918


Le parcours et la vie de Maurice Grandjean sont connus grâce à une liasse de documents et de photos trouvée dans la valise qui contenait aussi les papiers de Pierre Bonhomme. Les deux hommes étaient liés car ils avaient épousé des cousines germaines et travaillaient ensemble lors des travaux agricoles. Maurice Grandjean était aussi boulanger ; à la fin de la Grande Guerre, il se trouvait aussi à Metz comme commis et ouvrier de l’administration et il a aussi vécu à Seicheprey en Meurthe-et-Moselle. Sa biographie peut être aussi précisée en consultant les registres matricules numérisés conservés aux Archives Départementales de la Meuse, classe 1915, fiche n° 469 (voir l'annexe à la fin de l'article).



Maurice Grandjean avant la Grande Guerre


Le soldat de la Grande Guerre


Le livret militaire, établi le 27 août 1919 à Châlons-sur-Marne, et très « fatigué » par deux Guerres Mondiales, fournit de très nombreuses informations; de plus, il contenait de nombreux autres documents glissés entre les pages.








Maurice Léon Grandjean est né le 1er novembre 1895 à Void dans la Meuse, village dans lequel il habitait en 1919 (il habitait à Commercy en 1914). Il était boulanger avant d'être soldat. Il était le fils de Charles Grandjean, qui était décédé, et d’Alphonsine Taguel. Il a été recruté au bureau de Verdun sous le matricule 469 (selon le livret de 1919). Il avait les yeux bleus, les cheveux châtains clairs et mesurait 1 m 70. Ce livret, un duplicata, remplaçait un livret plus ancien, peut-être perdu ou dégradé dont quelques pages sont conservées.


Trois soldats français dans une tranchée. Ni date ni lieu. C'est la seule photo de guerre trouvée dans les papiers de Maurice Grandjean


En tant que soldat de 2ème classe de la classe 1915, il a commencé la guerre contre l’Allemagne le 15 décembre 1914. Il était alors dans le 27ème Bataillon de Chasseurs à Pied (B.C.P.), 2ème Compagnie, matricule 4553 du bureau de Verdun,  et il a combattu aux Eparges, éperon durement disputé par les Français et les Allemands au sud-est de Verdun. Il y fut blessé le 26 avril 1915, sa main gauche ayant été transpercée par un éclat d'obus, et il fut évacué sur Toulon, dans le Var, pour y être soigné.




Sa blessure à la main fit que la commission de réforme de Chartres le classa dans le service auxiliaire, puis il fut affecté au 103ème Régiment d'infanterie le 17 mars 1916 avant d'être reclassé dans le service actif par la commission de réforme d'Alençon.  
Il passa alors dans le 150ème Régiment d’Infanterie, 2ème compagnie, le 17 avril 1916, et combattit au Mort-Homme en 1916 lors de la bataille de Verdun.

Il obtint, après la guerre, la Médaille de Verdun pour sa participation aux combats des Eparges et du Mort-Homme et fut inscrit sur le Livre d’Or de Verdun sous le numéro 152 316.




Maurice Grandjean partit ensuite, avec son régiment, dans la Somme. Il fut blessé, une seconde fois, par des éclats d’obus, à Sailly-Saillisel le 10 octobre 1916, avec "plaies à la figure, à l'oreille gauche et à la cuisse gauche par éclats d'obus". 

Il fut muté le 29 janvier 1917 dans le 251ème Régiment d’Infanterie, 17ème compagnie, avec le matricule 469, et il reçut alors une citation de son régiment (n° 381) avec un diplôme établi le 24 juin 1917 ainsi que la croix de guerre avec étoile de bronze:

« Très bon soldat. Blessé le 26 avril 1915 et le 10 octobre 1916 ». 


Citation à l'ordre du 251ème Régiment d'Infanterie de Maurice Grandjean dont le nom figure dans les pliures, déchirées, du document. 24 juin 1917.



Cette citation fut retranscrite dans le livret de 1919 et sur sa fiche. Maurice Grandjean eut aussi le droit de porter une fourragère aux couleurs de la médaille militaire conférée au 161ème Régiment d'Infanterie, unité qu'il rejoignit le 1er novembre 1917 ! Il dut attendre le 18 décembre 1964 pour obtenir la médaille militaire avec un diplôme contenu dans un tube !






Maurice Grandjean continua à se battre. Sa fiche indique qu'il eut des ennuis avec la justice militaire à l'automne de 1917: il fut accusé d'abandon de poste alors que sa section montait en ligne à Beaumont le 22 septembre 1917 et de désertion en présence de l'ennemi, mais il fut acquitté à l'unanimité par le tribunal militaire. 

Alors qu’il était au 161ème Régiment d’Infanterie, 10ème compagnie, il fut capturé par les Allemands à La Neuville, en Champagne, près d'Epernay, le 15 juillet 1918, lors de la grande offensive dite « Friedensturm ». Cela nous est connu grâce à une carte postale et sa fiche de prisonnier de guerre conservée par le Comité International de la Croix Rouge à Genève.



Fiche du CICR avec les références du dossier de Maurice Grandjean


Deux pages du registre du camp mentionnant Maurice Grandjean capturé sur le Front de l'Ouest à la Neuville le 15 juillet 1918


Il fut envoyé au camp de Lamsdorf,  en Silésie (qui s'appelle aujourd'hui Lambinowice,  à l'ouest de la ville d'Opole en Pologne) et, le 6 octobre 1918, il expédia une carte spéciale du camp à sa mère qui était à l’Hospice Estienne, à Void, disant « Je suis en bonne santé, voici ma nouvelle adresse. Bons baisers ».






Il a été libéré après le 11 novembre 1918 et rapatrié le 1er janvier 1919. Il passa alors à la 6ème Section de C.O.A. (comme Pierre Bonhomme) le 7 février 1919 puis se retira à Commercy le 22 janvier 1920. Il garda un mauvais souvenir de la guerre. Ayant dû boire de l'eau sale prise dans un trou d'obus où gisaient sans doute des cadavres, il jura de ne plus boire d'eau après la guerre et il tint parole tout comme Pierre Bonhomme qui avait connu la même épreuve... 

Maurice Grandjean habita alors dans divers endroits : à Nancy, 44 rue de Strasbourg en 1925 ; à Seicheprey en 1926; Nancy encore après 1927, sa dernière adresse étant au 13 avenue du 20ème Corps. Il était très sportif car il faisait de la moto et il était membre du Club de Rugby de Nancy.





Maurice Grandjean avait encore des obligations militaires : il passa en 1929 dans l’armée territoriale puis dans la réserve de l’armée territoriale en 1936. Il fut mobilisé de nouveau lors de la Seconde Guerre Mondiale dans le 23ème C.O.M.A. à Nancy et il partit vers le Sud de la France où il fut démobilisé, à Pau, le 11 janvier 1941. Sa fiche indique qu’il était cultivateur à Seicheprey et marié.




Maurice Grandjean dans les années 1930








Il mourut à Pont-à-Mousson le 13 avril 1970.


Emeline REGENT et Océane YOEUSLEY Seconde 04


Le blessé de guerre


Les papiers de Maurice Léon Grandjean comportent des fiches issues de son premier livret militaire, un carnet médical ainsi que des formulaires pour des indemnités pour blessures de guerre. Le carnet médical de Maurice Léon Grandjean, nous révèle les blessures qu'il a subies lors de la première guerre mondiale.

Ce dossier nous démontre qu'il était invalide à 10 % selon l’avis du médecin qui l’a examiné en 1929. Maurice a participé à deux grandes batailles pendant la Première Guerre Mondiale;
- aux Eparges en 1915.
- à Sailly- Saillisel en 1916.

a) Les Eparges.

Le 26 avril 1915, aux Eparges, alors qu’il était dans le 27ème B.C.P., il subit sa première blessure: sa main gauche fut transpercée par un éclat d'obus, et il fut évacué le 27 avril, trois quarts d'heure après, par un infirmier, au poste de secours et soigné avec de la teinture d'iode (un désinfectant).

Ensuite il fut envoyé à Rupt (en Woëvre probablement, près des Eparges) le 28 avril, et fut examiné par un major. Cette fois-ci, sa main fut désinfectée avec de l'eau oxygénée.
Puis il a eu un troisième pansement à Neufchâteau.


Dossier médical de Maurice Grandjean (1915)

Billet d'hôpital de Maurice Grandjean (Hôpital Auxiliaire n° 105 de Toulon)


Pour finir son ''voyage'', il sera envoyé à Toulon, dans le Var, le 1er mai 1915, où il aura un nouveau pansement et un peu de pommade, puis un traitement avec un bain de main formolé et un pansement humide à l’eau oxygénée. Le diagnostic montre une plaie pénétrante de la main gauche qui a été traversée (faces dorsale et palmaire), le projectile ayant brisé le 3ème métacarpien, mais il n’y eut pas d’intervention chirurgicale. La main fut traitée par des bains quotidiens de cyanure de mercure, des lavages à l’eau oxygénée et un drain, ce qui permit à la main de dégonfler et à la suppuration de diminuer. Un doigt est raidi et raccourci, une saillie osseuse est visible sur la face dorsale mais ce n’est pas douloureux et les facultés de préhension ne sont pas atteintes car les autres doigts sont intacts. La main est considérée comme guérie le 24 septembre 1915. Maurice Grandjean, dont l’état général est excellent, a quand même droit à un mois de convalescence…

En 1929, un médecin constate les séquelles de cette première blessure :
- une cicatrice rétractile à la main gauche avec déviation des 2ème et 3ème doigts; l'extrémité du 3ème métacarpien est broyée.

b) Sailly-Saillisel.

Le 10 octobre 1916, Maurice subit sa deuxième blessure tandis qu'il combattait dans la Somme. Alors qu'il se trouvait dans une tranchée, au 251ème Régiment d'Infanterie, un obus a explosé à sa gauche. Cela lui vaudra plusieurs blessures et invalidité:

-une cicatrice à la fesse gauche et à la paupière gauche.
-une hypoacousie (diminution de l'acuité auditive), à gauche.

Pour ces blessures, il n'y a pas de renseignement sur son hospitalisation.

c) Récompenses et dédommagements.

Maurice a été cité comme ''très bon soldat'';  il a donc été récompensé par le droit du port de la fourragère aux couleurs de la médaille militaire. Pourtant, bien que décoré de la croix de guerre en 1917, il ne reçoit la médaille militaire que le 18 décembre 1964 comme ancien soldat d'intendance !







Quelques pages du carnet de soins de Maurice Grandjean



Maurice Grandjean reçut aussi un carnet lui octroyant des soins gratuits comme blessé de guerre. Examiné par un médecin en 1929, reconnu invalide à 10 %, ses blessures lui auront valu une pension temporaire d’invalidité d'un montant de 240 francs (plus 336 francs supplémentaires en 1929-1930) du 8 février 1929 au 7 février 1931.








Finalement, c'était la moindre des choses de soigner et d'indemniser un soldat qui avait versé son sang pour la France !


Léonie MARCHAL et Léna SANDER Seconde 04



Un habitant de Seicheprey


Maurice Grandjean a vécu longtemps à Nancy mais aussi, en même temps, à Seicheprey où il exerçait les professions de cultivateur et de boulanger. Il s’était marié dans ce village de Meurthe-et-Moselle le 26 mai 1926 avec Marguerite Berthe Estelle Schweitzer, née le 4 février 1893, sans profession alors et qui fut, plus tard, secrétaire de mairie. Selon le livret de famille, ils n’eurent pas d’enfant.

Maurice Grandjean a conservé de nombreuses photographies de Seicheprey, prises juste après la guerre de 14, et qui montrent le village ruiné et sa reconstruction. D’autres photos, de grande taille, montrent une grande boulangerie (la sienne ?) avec un matériel important et un personnel nombreux.

Maurice Grandjean et sa femme


Voici quelques photos. D’abord, le village détruit en 14-18 car il se trouvait sur la ligne de front et il a été repris aux forces allemandes au début du mois de septembre 1914, après un combat à la baïonnette, par le 15ème Régiment d'Infanterie parti d'Albi le 7 août 1914. 

Le 20 avril 1918, la 26ème  division d'infanterie américaine y subit son baptême du feu. Après avoir subi un bombardement d'artillerie, les Allemands mènent une offensive. Le combat se conclut par une déroute pour les forces américaines. La division eut 650 blessés et 100 prisonniers, et les Allemands 160 morts. 

Le village a vraiment été dévasté par la guerre. Tout est en ruine et les broussailles ont poussé entre les pans de murs !


Seicheprey, village dévasté par la guerre de 14-18



Le clocher détruit


Une rue du village avec les maisons en ruine


Le village avec un soldat au milieu des ruines


Une habitation dévastée


Vue sur l'église en ruine avec deux soldats sur la droite


L'intérieur de l'église de Seicheprey avec deux soldats français



L'intérieur d'une maison en ruine


Les fermes détruites


Une ferme dévastée mais occupée par des soldats


Une autre ferme dévastée que l'on voit sur la photo suivante

Une ferme dévastée

Vue générale sur le village avec l'église au fond


Une autre vue du village en ruine



Autre vue du village


Les habitations dévastées



Seicheprey, village reconstruit

Ensuite, on a le village reconstruit avec l'église, la Fontaine Américaine, le monument aux morts et la gare.

L'église reconstruite

La Fontaine Américaine

Le monument aux morts de Seicheprey

La gare de Seicheprey

Vue plus large de la gare

La gare



Ahlem TALIBI Seconde 04


Annexe: la fiche (n° 469) de Maurice Grandjean dans le registre matricule de la classe 1915 (Archives Départementales de la Meuse).






Portraits suivants: Louis Lagneaux (4ème B.C.P.) et Auguste Laquenaire (20ème B.C.P.).