mercredi 14 décembre 2016

PORTRAITS DE SOLDATS DE LA GRANDE GUERRE (Deuxième partie - premier portrait)

CINQ SOLDATS DU GRAND EST DURANT LA GUERRE DE 14-18


Des élèves de la Seconde 04 ont étudié les destins de cinq soldats du Grand Est durant la Guerre de 14 – 18 grâce à des documents originaux. 

Leurs parcours sont très différents les uns des autres : deux d’entre eux, Pierre Bonhomme et Maurice Grandjean ont combattu lors de grandes batailles comme les Eparges ou Verdun et ont connu la Seconde Guerre Mondiale ; deux autres, Louis Lagneaux et Auguste Laquenaire, ont connu une longue captivité en Allemagne, ayant été capturés dès 1914. Enfin, le dernier, Eugène Guerre, était un Mosellan, soldat allemand capturé et placé dans le camp de Lourdes avec un traitement spécial avant de revenir chez lui en 1918 et de devenir maire de son village.

En raison de leur longueur et du nombre de documents publiés, les biographies seront mises en ligne les unes après les autres.



Pierre Bonhomme, mitrailleur d’élite en 1917 – 1918



Ce soldat nous est connu grâce à une série de papiers (dont le livret militaire), de médailles et de photos mises en vrac dans une petite valise trouvée chez un libraire-brocanteur.

Pierre Georges Emile Bonhomme est né le 16 avril 1898 à Saint- Baussant, en Meurthe-et-Moselle. Résidant à Sorcy dans le département de la Meuse, il exerce la profession de garçon boulanger. Il était le fils d’Émile Nicolas Bonhomme et de Marie-Joséphine Degard.


Le livret militaire de Pierre Bonhomme, qui a connu deux Guerres Mondiales !


De physique plutôt élancé, 1 m 70, il avait les cheveux châtains et les yeux bleus (mais certains papiers lui accordent 1 m 65 seulement et des yeux bruns...). Il faisait partie de la classe 1918 de la subdivision de Verdun, matricule 1485, comme l'indique le livret militaire établi le 1er avril 1917.


Pierre Bonhomme en 1917 lors de son incorporation. Le verso de la carte, écrite en juillet 1917, indique qu'il était à Saint-Brieuc, en Bretagne, dans le dépôt de son régiment, le 155ème R.I.


Son livret militaire comporte aussi la mention « émigré » ce qui indique qu’il avait quitté son village à cause de l’invasion allemande. Une carte d'identité mentionne qu'il habitait Toul, où il était boulanger, depuis octobre 1916.











Le 18 avril 1917, il partit servir au 155ème Régiment d'Infanterie, régiment caserné à l'origine à Commercy, mais qui avait un dépôt à Saint-Brieuc, ville où Pierre Bonhomme envoya une carte postale à sa tante en juillet 1917. Ce régiment combattit au Chemin des Dames puis dans le secteur de Verdun et des Eparges. Puis, le 18 octobre 1917, il passa au 154ème Régiment d'infanterie alors dans la Woëvre et qui fut ensuite envoyé à Nomeny. Le régiment d'infanterie est un groupe d'homme constitué d'un ensemble cohérent d'hommes et de moyens qui forment une unité de combat d’environ 1 000 soldats.



Pierre Bonhomme (3ème rang, debout, 3ème en partant de la gauche) au 155ème RI. Les soldats sont équipés du fusil Berthier.


Il suivit un stage de mitrailleur du 19 novembre au 16 décembre 1917 au 7ème G.B.I. (Groupement de Batteries d'Instruction), au sein de la IVème Armée. Le 17 décembre 1917, il obtint le diplôme de mitrailleur d’élite suite à ce stage.




Le stage de mitrailleur fin 1917 avec le détail des armes (allemandes !) : une Maxim MG O8 et une mitrailleuse légère MG 08/15

Le diplôme de mitrailleur d'élite (conservé dans un cadre avec la croix de guerre). Sur le dessin, les soldats sont équipés du fusil-mitrailleur Chauchat.


Du 22 avril 1918 au 1er janvier 1919, il servit au 24ème Régiment d'Infanterie (comme renfort) au sein de la Compagnie de Mitrailleurs n° 2. 


Plus tard, Pierre Bonhomme, qui parlait peu de la guerre dans le détail, disait que "grâce à sa fonction de mitrailleur d'élite, il était sur les hauteurs, ce qui lui avait permis de ne pas être gazé et de survivre".


En raison de son comportement courageux, il reçut la croix de guerre avec étoile de bronze le 30 décembre 1918 (le chiffre final est difficilement lisible sur le papier mais sa fiche, dans le registre matricule, porte bien la date du 30 décembre 1918) avec une citation à l’ordre de son régiment :

« BONHOMME Pierre – soldat – C.M.2
A fait courageusement son devoir aux combats d’août et d’octobre 1918 »


La citation du 24ème RI et la croix de guerre


Les combats, en Picardie et dans l'Aisne, furent visiblement très durs car Pierre Bonhomme dut aller à l’ambulance 16 / 9 du 22 août au 3 septembre 1918 en raison de fatigue générale associée à des vomissements, puis, guéri, il eut 10 jours de convalescence. 




Billet de soin de Pierre Bonhomme en août 1918.




Billet de soin de février 1919.



Plus tard, le 9 février 1919, il eut des courbatures fébriles (sans doute à cause de la grippe espagnole qui sévissait alors) et dut encore se faire soigner.


Pierre Bonhomme (assis au 1er rang) boulanger à Dieuze (6ème Section de C.O.A.) en janvier 1919.


Il avait alors été muté à Metz depuis le 1er janvier 1919. Il avait rendu les armes à cette date et il était revenu dans la boulangerie comme commis et ouvrier de l'administration (C.O.A.) au sein de la 6ème section de C.O.A., servant comme boulanger à Dieuze en Moselle. 




Pierre Bonhomme, qui a rasé sa moustache (assis à gauche au 1er rang) avec ses camarades de la 6ème section de C.O.A. à Metz en novembre 1919.


Puis il acheva sa carrière de militaire le 20 mai 1920 date de son congé. Il était alors caporal.






La démobilisation de Pierre Bonhomme en 1920.


Pierre Bonhomme rentra alors à Saint-Baussant puis il habita à Seicheprey, village de Meurthe-et-Moselle, où ses parents avaient des terres (les propriétés de Saint-Baussant, endommagées par la guerre, avaient été cédées le 1er juin 1924 à une oeuvre de guerre, "les Amis de l'Ecole", moyennant 40 000 francs).


Pierre Bonhomme et sa femme Lucie.



Devenu cultivateur, il se maria avec Lucie Millard, dont le père, Pol Millard, ancien soldat de la Grande Guerre dans le 61ème Régiment d'Infanterie Territoriale, était aussi cultivateur. Ils eurent une fille appelée Bernadette. Pierre Bonhomme s’impliqua dans une association d’anciens combattants (l'Association des Mutilés et Anciens Combattants de la Grande Guerre). Il reçut d’ailleurs la carte et la croix du combattant.













Carte et croix du combattant de Pierre Bonhomme.



Mais ce calme toucha à sa fin en 1939. Le 24 août de cette année, il dut se rendre à Metz pour être mobilisé de nouveau (comme réserviste) au sein du 6ème C.O.M.A. (Commis et Ouvriers Militaires de l’Administration) dès le 25 août 1939.



Les rappels de Pierre Bonhomme à Metz en 1938 et 1939.




Pierre Bonhomme mobilisé le 25 août 1939.



On sait peu de choses sur cette nouvelle campagne militaire : une lettre du 6 juin 1940 adressée à sa femme rapporte qu’il s’occupait de manutention et qu’il avait besoin de changer de linge en raison de la chaleur. Il s’inquiétait aussi en raison de mauvaises nouvelles pour des connaissances, en raison de la guerre. 





Lettre du 6 juin 1940.



Pierre Bonhomme fut capturé le 19 juin 1940 et il fut interné en Suisse, à Girenbad Hinwil, une station thermale au sud-est de Zurich. 

Des photos (voir plus bas) le montrent, vieilli, avec ses compagnons de captivité, visiblement bien traités et installés dans un grand bâtiment. 









Il fut libéré le 5 février 1941 au centre de démobilisation de Grenoble où il reçut une tenue civile et la permission de rentrer chez lui.






Il demanda alors des indemnités de guerre, à la commune et à la préfecture, en raison de dommages subis en 1940 lors de l’évacuation de Seicheprey, puis à cause de sa dépossession de ses terres (59 hectares et 31 ares), en juin 1942, par la société allemande Ostland. Il déposa aussi un dossier pour dommages de guerre à la Libération.



Pierre Bonhomme en 1943.

Le récépissé de déclaration de dommages de guerre à la Libération.




Le Mérite Agricole de Pierre Bonhomme.



Toujours cultivateur (il reçut le mérite agricole), pratiquant aussi la chasse, Pierre Bonhomme s’impliqua dans l’Association des Prisonniers de Guerre et au sein de l’Union Fédérale des Combattants dont il était, en 1974, président de la sous-section de Seicheprey. 

Il mourut à Seicheprey le 18 août 1976 à l'âge de 78 ans.






Pierre Bonhomme dans les années 1960.



Diplôme de l'Union Fédérale des Combattants attribué à Pierre Bonhomme à Nancy le 9 juin 1974.



On peut remarquer que Pierre Bonhomme fut impliqué dans les deux Guerres Mondiales : mitrailleur d’élite en 1917-1918, décoré de la croix de guerre, il fut interné en Suisse en 1940-1941. Il fut successivement boulanger puis cultivateur tout en s'engageant dans les associations d'anciens combattants jusqu'à la fin de sa vie. 


Amélie FISCHER, Alex MARTRETTE, Maëlle ORTH, Sandro PANCAMO, Romane SANREY Seconde 04



 Portrait suivant: Maurice Grandjean.