dimanche 5 janvier 2020

L'ALSACE - MOSELLE DE 1918 A NOS JOURS. Entre France, Allemagne et intégration européenne

L'Alsace - Moselle de 1918 à nos jours. Entre France, Allemagne et intégration européenne.

Nous proposons ici la suite et la fin du projet mené depuis l'année dernière sur la question de l'Alsace-Moselle. Nous avions quitté l'étude sur le retour de l'Alsace-Moselle à la France en 1918. Une nouvelle sortie a été organisée le 19 novembre 2019 au Mémorial de Schirmeck et au Parlement Européen de Strasbourg avec les élèves de TL et des étudiantes de BTS.

Le Mémorial de Schirmeck.

Le mémorial est aussi un lieu de mémoire car Schirmeck se trouvait près de la "route des passeurs" prise par les réfractaires alsaciens qui refusaient la nazification, et un camp d'internement y avait été construit pour punir ces mêmes réfractaires.

Les élèves et étudiantes ont été véritablement immergés dans l'Histoire grâce à des salles conçues de façon thématique. Deux guides, dont mademoiselle Marie Labouré, ancienne élève du lycée Arthur Varoquaux, ont présenté, de façon très agréable et érudite, les principaux aspects de cette histoire.

- La salle des portraits présente les visages de nombreux alsaciens-mosellans qui ont changé plusieurs fois de nationalité entre 1871 et 1945. Avec le traité de Francfort du 10 mai 1871, puis l'Armistice du 11 novembre 1918, la défaite de la France en juin 1940, puis la reconquête en 1944-1945, l'Alsace et la Moselle ont été un enjeu important entre la France et l'Allemagne avec des populations qui ont changé de nationalité à chaque fois. 




Il faut toutefois distinguer la période 1871 - 1918, au cours de laquelle un traité a cédé ces territoires à l'Allemagne, avec des habitants ayant le choix entre le départ ou l'acquisition de la citoyenneté allemande (l'option), et la période 1940 - 1944 / 1945 où l'Alsace-Moselle a été annexée de force par l'Allemagne sans aucun traité. Les habitants ne furent donc jamais allemands selon le droit international même si le IIIème Reich imposa la citoyenneté allemande, à partir de 1942, à ceux qui étaient aptes à servir dans l'armée allemande et aux membres de leur famille, sur des critères ethniques. Un Alsacien, engagé dans l'armée de de Gaulle et prisonnier de guerre, était considéré comme un Français et non comme un Allemand par la justice militaire allemande... 

- Lorsque la guerre fut déclarée à l'Allemagne le 3 septembre 1939, la gouvernement français décida d'évacuer les zones frontières pour éviter de nouvelles souffrances à la population civile: ce fut le plan "Pas-de-Calais" au cours duquel 600 000 personnes furent rapidement évacuées par trains vers le Sud-Ouest de la France. Ces Alsaciens-Mosellans furent logés chez les habitants qui, dans les premiers temps, n'appréciaient pas ces gens qui parlaient souvent un dialecte germanique ... Mais finalement, grâce au travail agricole dans les fermes, les relations se réchauffèrent entre locaux et gens de l'Est. Il y eut des mariages et les relations perdurèrent au-delà de la guerre.







Les élèves ont donc pris aussi le train pour revivre ces événements !

L'armée française, quant à elle, se retrancha dans la Ligne Maginot, composée d'ouvrages bétonnés qui s'égrenaient le long de la frontière, des Ardennes à la frontière suisse. 





- Après la défaite de la France en juin 1940, les Allemands décidèrent d'annexer l'Alsace-Moselle en suivant les frontières de 1871, sans qu'aucun traité ne soit signé avec la France. La seconde annexion est donc un coup de force, un état de fait qui ne figure pas dans les clauses de l'armistice du 22 juin 1940. A partir de juillet - août 1940, les Allemands commencèrent à germaniser et à nazifier l'Alsace-Moselle alors que 500 000 évacués de 1939 revenaient chez eux. Ils trouvèrent la région totalement changée !




Tout d'abord, l'Alsace-Moselle ne forma pas un territoire uni comme le Reichsland de 1871 - 1918. La Moselle fut rattachée au gau (province nazie) de Westmark (avec la Sarre) et dirigée par le gauleiter Josef Bürckel tandis que l'Alsace fut rattachée au Oberrhein et dirigée par le gauleiter Robert Wagner.

De nombreux "indésirables" furent expulsés : Juifs, étrangers, francophones ... La Moselle perdit 100 000 habitants; l'Alsace 35 000 ...

La germanisation fut implacable: les rues furent débaptisées et renommées en hommage au Führer ou au IIIème Reich; l'usage du français fut totalement interdit, même en privé, de même que tous les éléments de la culture française, y compris le port du béret... Les noms de famille qui pouvaient être traduits en allemand furent aussi germanisés : ainsi "Charpentier" devenait "Zimmermann" ou "Schreiner"... Idem pour les prénoms : Marcel devint "Marzel", Eugène "Eugen"...




La nazification fut aussi menée avec vigueur. Elèves et étudiantes sont passées dans plusieurs pièces évoquant la période nazie marquée par la mise en place d'une administration puissante et des organisations liées au Parti Nazi: Jeunesses Hitlériennes, RAD (Service du Travail)...





En plus d'une intense propagande en faveur de l'Allemagne nazie et une participation à son effort de guerre, les habitants furent astreints au service militaire à partir d'août 1942. En effet, une citoyenneté allemande leur fut imposée à cette date en raison de leur "germanité" ou Deutschtum, mais ce ne fut pas une pleine citoyenneté comparable aux autres Allemands qui étaient des "deutsche Reichsbürger"; les Alsaciens et Mosellans reçurent très majoritairement une citoyenneté "auf  Widerruf", une sorte de sous-citoyenneté leur donnant une possibilité ultérieure de devenir pleinement des Allemands en fonction du "mérite" qu'ils allaient montrer, c'est-à-dire de l'engagement pour l'Allemagne nazie; un petit groupe de pro-nazis seulement eut une pleine citoyenneté, les autres étant des "sujets". 

130 000 Alsaciens et Mosellans, nommés les Malgré-Nous, furent enrôlés dans la Wehrmacht (armée) ou la Kriegsmarine (Marine de Guerre). Puis, en novembre 1943, sur ordre de Himmler, environ 5 000 jeunes conscrits Alsaciens, principalement de la classe 1926, mais aussi des classes 1908-1909, 1910 et 1913, furent obligés d'entrer au sein des SS pour compenser les lourdes pertes de ces unités, à partir du 10 février 1944. Un simple avis du conseil de révision, qui examinait la santé des conscrits, suffisait pour être versé dans la SS avec l'attribution du livret militaire. Beaucoup de ces jeunes Alsaciens servirent dans la division Das Reich qui s'illustra tragiquement lors du massacre d'Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944 où parmi les 642 victimes, on comptait des réfugiés d'Alsace-Moselle ... La majorité fut versée dans la Division SS Reichsführer qui commit des crimes de guerre en Italie...





40 000 Alsaciens-Mosellans sur 130 000 périrent ou furent portés disparus lors de la Seconde Guerre Mondiale.

La répression contre les réfractaires et les résistants fut aussi féroce avec l'installation d'un camp d'internement à Schirmeck (15 000 personnes y séjournèrent), d'un "centre spécial" au fort de Queuleu près de Metz (1500 internés) et d'un camp de concentration à Natzweiler-Struthof (non loin du mémorial), où sur 54 000 déportés, 22 000 moururent...





Les combats de la libération furent très durs: Metz fut prise par les Américains du général Patton le 22 novembre 1944; Strasbourg fut libérée par les troupes du général Leclerc le lendemain, 23 novembre 1944. Mais les troupes allemandes s'accrochèrent au reste du territoire: Colmar fut prise le 2 février 1945; Bitche le 16 mars 1945...




Après la libération, il y eut des procès afin de punir ceux qui avaient soutenu le régime nazi: ainsi le gauleiter Wagner fut condamné à mort et fusillé en 1946. Une vidéo montre aussi le douloureux procès de Bordeaux en janvier - février 1953 au cours duquel quatorze SS Alsaciens (un engagé volontaire et treize conscrits versés de force dans la SS) furent jugés pour le massacre d'Oradour-sur-Glane, avec sept SS allemands. Après des débats passionnés, les conscrits alsaciens furent condamnés à de la prison (5 à 8 ans) tandis que l'engagé volontaire fut condamné à mort. Ils furent très rapidement amnistiés sous la pression des autorités alsaciennes qui estimaient qu'il fallait tourner la page, le condamné à mort voyant sa peine commuée en prison à vie (il fut libéré en 1959).

Les dernières salles du mémorial, avec notamment un cinéma panoramique, évoquent l'action de Robert Schuman et le rôle de la France dans la construction européenne avec la CECA puis la CEE, dans un but de paix et de prospérité.







Le Parlement Européen à Strasbourg.

L'après-midi fut consacré à la visite du Parlement Européen à Strasbourg. Les élèves et étudiantes ont pu apprécier la beauté du monument achevé en 1999, avec ses jardins verticaux, ses ouvertures et le très bel hémicycle qui peut accueillir les 751 députés.














Une guide a expliqué le rôle de ce parlement et son fonctionnement.

Bref, ce fut une très bonne journée en Alsace !


Jérôme JANCZUKIEWICZ