dimanche 14 juillet 2019

PORTRAITS DE SOLDATS DE LA GRANDE GUERRE (cinquième partie)

Nous poursuivons la série des portraits de soldats de la Grande Guerre avec les études menées cette année, qui marque la fin du Centenaire, par les élèves de la Seconde 09. Différents documents ont été utilisés (livrets militaires, cartes mortuaires, photos etc) afin de montrer la méthodologie suivie pour construire les biographies, afin de rendre hommage à ces soldats. 

Nous publions ces biographies à l'occasion du 14 juillet 2019, en souvenir du gigantesque défilé de 1919 et de la victoire.







1
Le docteur Victor Vigneron, un médecin au combat.
1875 - 1918



Le point de départ de l'étude a été l'examen d'une carte mortuaire imprimée à l'occasion de la mort du docteur Vigneron, mort le 9 octobre 1918 à l'âge de 43 ans. 


Cette carte comprenait très peu d'éléments biographiques et nous avons recherché sa fiche sur le site Mémoires des Hommes.



Les deux fiches le concernant étaient peu détaillées : on y lisait son grade (Médecin Major 2ème classe); sa classe, 1895, donc son année de naissance, 1875, puisque les Français partaient au service militaire à 20 ans, qui correspondait à l'âge indiqué sur la carte; son poste (ambulance 12 / 13); la cause et le lieu de sa mort (mort d'une maladie contractée en service à l'hôpital de Nancy). Pour avancer, nous devions consulter les registres matricules mais on ne savait pas où habitait le docteur Vigneron ... Nous avons supposé qu'il avait un lien avec Nancy car la carte avait été imprimée dans cette ville. 

Deux sites internet permettaient aussi de trouver des informations importantes:

- Le Mémorial de Nancy qui recense les habitants de la ville morts lors de tous les conflits.

- Le site du professeur Bernard Legras consacré à "la médecine hospitalo-universitaire à Nancy depuis 1872" qui comprend le discours du docteur Ganzinotty de 1922, prononcé lors de l'inauguration du monument en hommage aux internes des hôpitaux de Nancy.

http://www.professeurs-medecine-nancy.fr/Menu.htm

Donc, les registres du bureau de Nancy - Toul, pour la classe 1895, ont été consultés sur le site des Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle et nous avons retrouvé le docteur avec la fiche n° 861 !



Qui était donc le docteur Victor Vigneron ?

Victor Marie Joseph Vigneron est né le 2 mai 1875 à Praye, près de Vézelise, en Meurthe-et-Moselle. Son père s'appelait Louis Aimé et sa mère Jeanne Haroux. Au moment de son incorporation en 1895, il était étudiant en médecine. Ayant tiré le n° 101 lors de son départ pour le service militaire, il fut toutefois déclaré "bon - dispensé" car son frère faisait déjà son service et il était étudiant en médecine.

Le registre indique sa taille (1 m 78), la couleur de ses cheveux et de ses sourcils (châtains), de ses yeux (gris clair), et qu'il avait une cicatrice au front.

Pourtant, il décida quand même de partir et fut incorporé au 146ème Régiment d'Infanterie comme soldat de 2ème classe, du 12 novembre 1896 au 18 septembre 1897. Ensuite, il eut un congé et passa dans la réserve comme médecin auxiliaire. Il fut rappelé plusieurs fois dans l'armée et fut nommé médecin aide-major de 2ème classe le 12 décembre 1901. A cette date, il habitait Nancy, 86 bis rue de Strasbourg. Il était devenu interne des hôpitaux de Nancy en 1899. Il exerçait à la fois dans l'armée et aussi dans le civil, comme médecin municipal de la ville de Nancy spécialisé dans les maladies vénériennes. Il était très dévoué pour les malades et avait une clientèle nombreuse.

Il fit des périodes d'exercices au 26ème RI, 69ème RI, au 4ème BCP jusqu'en 1909 et fut finalement affecté à l'hôpital de couverture de Saint-Nicolas de Port en 1910. Au moment du déclenchement de la guerre, il habitait au 5 de la rue du Pont-Mouja. 

Comme le montre la photo de la carte, il servit comme médecin lors de la Guerre de 14 - 18. Il devint responsable de l'ambulance 12/12 installée au Fort de Frouard, chargé du service des maladies vénériennes de la 8ème Armée Française. Il y contracta la grippe à la fin de 1918 en soignant ses infirmiers malades et il mourut à l'hôpital Sédillot de Nancy le 9 octobre 1918. Il fut déclaré "Mort pour la France" et il reçut à titre posthume la médaille d'argent des épidémies (3 octobre 1919).

Son nom fut inscrit sur le monument de l'hôpital central de Nancy, oeuvre de Jules Carl (1922) qui honore les internes des hôpitaux de Nancy morts pour la patrie. Le Souvenir, sous la forme d'une femme triste, regarde les noms des médecins morts.






Sa tombe se trouve au cimetière de Préville à Nancy. On y apprend qu'il était marié à madame Thérèse Lefèvre, morte en 1960.



On peut ainsi retracer toute une vie à partir d'une simple carte ! Nous espérons que la mémoire du docteur Victor Vigneron, qui a donné sa vie pour la patrie, ne s'effacera pas grâce à cet article, d'autant plus que la mention "Mort pour la France" n'est pas gravée sur sa tombe.

Marie Tisserand, Solène Poirot, Elyna Martin, Ambre Lefèvre (groupe 1); James Freidinger, Joris Colin (groupe 2); Naël Jaoucha, Walid Salhi (groupe 3) de la Seconde 09.


2
Eugène Faive, prêtre et infirmier.
1888 - 1914


Biographie :

Victor Eugène Faive est né le 27 novembre 1888 à Vézelise en Meurthe-et-Moselle. Sa fiche militaire indique qu'il était le fils d'Eugène Faive et de Maria Richet. Elève ecclésiastique, il fut ensuite abbé à la basilique de Sacré-Cœur de Nancy ; il fut recruté au bureau de Toul en 1908 (fiche n° 1090). Il mesurait 1 m 62 et avait les yeux bleus et les cheveux châtains clairs. 

Il devient sergent dans le 23eme section d’infirmiers militaires. 

Il est mort le 20 août 1914, fusillé par les Allemands à Dalheim en Lorraine. Ces derniers l’accusaient d’avoir donné l’ordre à des blessés français de tirer sur les Allemands ! En fait, c'était un prétexte pour se débarrasser de blessés qui pouvaient gêner la progression de l'armée allemande ...

Tout au long de sa vie, cet homme fut dévoué à Dieu et à sa patrie.

Méthode :

Le document fourni (la carte mortuaire) nous indiquait son nom, son grade et son âge et la date de sa mort. Nous sommes allées voir dans le registre des matricules du bureau de Nancy -Toul et grâce à sa classe (1908) nous avons trouvé son numéro de matricule et sa fiche.







Cela nous a permis de trouver beaucoup d’informations sur Eugène Faive en plus de sa fiche sur le site Mémoire des Hommes.

Manon Cordone, Seconde 09.


3
L'abbé Jean - Alphonse Fiégel, mort en captivité en Allemagne.
1890 - 1914


Jean - Alphonse Fiégel est né le 31 octobre 1890 à Lunéville dans le département de Meurthe - et - Moselle. C'était un clerc - minoré du diocèse de Nancy. Au moment de son service militaire, il habitait Froville. Son père s'appelait Jean Fiégel et sa mère Marie Anne Becker. Il mesurait 1 m 65 et il avait les cheveux noirs et les yeux bruns. 

Il fit son service militaire au 18ème régiment de chasseurs à cheval de 1911 à 1913, et il se fit prendre en photo à cette occasion. Mais en 1914, il servit dans le 37ème RI avec le grade de caporal.







Blessé à la tête lors de la bataille de Morhange en Moselle le 20 août 1914, il fut transporté au camp II de Königsbrück en Saxe où il séjourna dans un hôpital ("lazaret") en raison d'une commotion cérébrale ("schädel").

Les registres du camp le mentionnent plusieurs fois, avec son identité, sa blessure à la tête ("kopfschuss").

Il est mort pour la France dans l'hôpital de ce camp le 8 décembre 1914 à l'âge de 24 ans, des suites de cette blessure mais surtout en raison d'une méningite ("hirnhautenzündung") et il fut inhumé dans le cimetière prévu pour les prisonnier de guerre.






Nous avons réussi à retracer son parcours grâce à sa carte mortuaire, à sa fiche Mémoire des Hommes, puis avec le registre matricule. Comme il a été prisonnier de guerre en Allemagne, nous pouvons également accéder aux registres du camp sur le site du CICR de Genève.

Saryah Charabi, Loélia Sonrier, Juliet Roussel, classe de Seconde 09.


4
L'adjudant Raymond Emmanuel Vassé, un homme au "coeur droit".
1879 - 1916






Un homme « au cœur droit »

Né le 26 janvier 1879 à Barisey-la-Côte en Meurthe - et - Moselle, Raymond Vassé a dû mener une vie dure en connaissant la Premiere Guerre Mondiale. Malgré cette terrible période historique il n’oublie pas ses valeurs et principes: il est qualifié par ses proches d’homme « au cœur droit » et « noble et bon ».

Un combattant dévoué pour la patrie

Cultivateur, Raymond Vassé était le fils de Prosper Vassé et de Marie Catherine Champougny, domiciliés à Nancy, 61 rue de Toul. Il était de la classe 1899 et il aurait pu ne pas aller au service militaire comme "fils de veuve" mais il décida de rejoindre le 146ème RI en novembre 1900. Devenu caporal, il resta fidèle à ce régiment et s'engagea plusieurs fois dans l'armée, devenant adjudant en 1913. Il était marié à Marie Thérèse Francine Guyon depuis 1911, avec l'autorisation du conseil de son régiment.






Il était très aimé et surtout reconnu pour être dévoué sur le front, pour aller porter secours aux soldats blessés ou pour remonter le moral de ses hommes tout en gardant son calme, comme l'indique une citation à l'ordre de la division portée sur le registre et reprise sur la carte mortuaire.

"Sous-Officier, a commandé avec beaucoup de sang-froid sa section sous un bombardement prolongé, s'est maintes fois déplacé sur le front de celle-ci pour porter secours aux blessés et pour remonter le moral de ses hommes, gardant le plus grand calme, a contribué à les maintenir sur sa position ; a été blessé grièvement le 9 avril 1916".


C’était l’une des nombreuses personnes de cette époque à avoir ce grand courage. 

Mort pour la France, sous le regard de Dieu




Il fut blessé le 9 avril avril 1916 comme le relate sa citation qui lui vaut la médaille militaire et la croix de guerre avec palme :

"Sous-officier énergique et brave. A été blessé grièvement le 9 avril 1916 en observant les mouvements de l'ennemi sous un violent bombardement. Amputé de la jambe droite".

Il fut amené à l'ambulance 5 / 55 à Salvange dans la Meuse, mais hélas, il y mourut le 6 mai 1916 et il fut inhumé à Rarécourt dans la Meuse.

Sa famille a voulu aussi souligner sa mort chrétienne avec la carte qui représente le Christ, car il est tombé au service de la France. 

Sources : Mémoire des Hommes, registres matricule de la Meurthe - et - Moselle, bureau de Nancy, classe 1899, fiche 1089.


Hassna El Ghanbou, Maxence Jacob, Thibaut Benoit, Alizia Laurent, classe de Seconde 09.


5
Robert Barbiche, un engagé volontaire en 1917.




On peut retracer la carrière militaire de Robert Barbiche grâce à sa carte du combattant, son livret militaire et au registre matricule du bureau de Toul pour la classe 1919 (alors que son livret indique classe 1918).



Une vie ordinaire.

Robert BARBICHE, de son vrai nom Robert Auguste BARBICHE est né le 30 juin 1899 à Nancy (54). Joseph François Barbiche était son père, et Augustine Urbain sa mère. Robert habitait à Nancy, 66, place Lobau et ses parents résidaient au 58, rue Saint-Charles toujours à Nancy. Il avait les yeux bruns et les cheveux châtain foncé, il mesurait environ 1 m 68 et savait lire et écrire. Il avait donc une vie simple et ordinaire. Il était conducteur des travaux dans le civil.




Sa participation à la Grande Guerre.

Robert BARBICHE s’engagea volontairement dans l’armée le 6 août 1917 à Nancy dans le 82ème Régiment d’Artillerie Lourde et il deviendra téléphoniste à l’Etat major du 289ème Régiment d’Artillerie Lourde du 31 janvier 1918 au 1er juillet 1919, mais son livret montre que sa « campagne contre l’Allemagne » va du 8 août 1917 au 23 octobre 1919. 










Il aura donc un rôle bien à l’abri des combats durant toute la fin de la guerre. En effet, l’engagé volontaire pouvait choisir son poste dans l’armée et être téléphoniste était un « bon filon ». C’est pourquoi le nombre d’engagés volontaires se mit à augmenter en 1917 : les jeunes hommes prenaient les devant en rejoignant volontairement l’armée afin de s’y placer dans un poste peu exposé si possible.  Robert Barbiche possédera par la suite la croix du combattant.


En mars 1940, Robert Barbiche fut rappelé sous les armes afin de servir dans le service des poudres. Il fut définitivement rayé des rôles le 9 août 1940. Nous ignorons la date de sa mort.


Lucas Wallpott , classe de Seconde 09.





6

Félix Lançon, le soldat "à l'air farouche"




Afin de montrer combien il est parfois difficile de retrouver un soldat, nous allons étudier le cas de Félix Lançon, dont la famille était originaire du Jura. 





Nous avons très peu d'informations sur lui, à part deux cartes postales écrites par ses soins en 1917 et adressées à des membres de sa famille. L'étude de ses deux portraits photographiques montrent qu'il faisait partie du 9ème régiment d'artillerie, avec des boutons sur lesquels on distingue deux canons entrecroisés et son numéro de col. Il porte également une croix de guerre qu'il arbore fièrement.

Durant la guerre, il a dû écrire de nombreuses cartes ou lettres à sa famille mais nous n'en avons plus que deux, datant de 1917, dans lesquelles il rassure son parrain, sa marraine et ses cousins qui habitaient le Jura. Félix Lançon avait dû aussi perdre un membre de sa famille car il portait un brassard noir sur sa manche d'uniforme. Il s'y décrit comme ayant "un air farouche" à cause de sa grosse barbe. La carte postale du 4 mars 1917 a été écrite depuis Cherbourg, en Normandie, mais une recherche sur le site du Chtimiste, qui recense l'historique de tous les régiments français, nous a appris que le 9ème régiment d'artillerie se trouvait dans le secteur de Verdun en 1917 (Cote 304 et Mort-Homme) : peut-être que la photo ci-dessous, envoyée le 20 septembre 1917, a été prise dans cet endroit ...





Des recherches dans les registres matricules du département du Jura auraient été très longues à mener car nous n'avions ni sa date de naissance, ni son bureau de recrutement. Nous avons cherché des informations supplémentaires sur le site Mémoires des Hommes mais nous n'avons trouvé que la fiche d'un homonyme, originaire aussi du Jura, mais mort en 1915, donc ce n'est pas notre personnage. 

De façon heureuse, "notre" Félix Lançon a survécu à la Grande Guerre ! 

Cécile Mercier, Lilah Youcef, Juliet Roussel, Inès Mebarki, de la Seconde 09.





7

Léon Milat, un chasseur à pied courageux.

1893 - 1914





Il ne reste que quelques photos de Léon Milat et retracer sa vie a été assez difficile. Une des photos permettait d'identifier la personne qui posait en uniforme de chasseur à pied du 26ème BCP grâce à une annotation au verso. 



Une recherche sur le site Mémoire des Hommes nous donna sa fiche et une identification plus précise.


Pour le registre matricule, il fallait regarder dans les Archives de Moselle, classe 1913, car les registres des conscrits de Pont-à-Mousson ont été versés dans ce département et non aux archives de Meurthe-et-Moselle (il faut lire attentivement les notices présentées par les conservateurs). Léon Milat faisait donc partie de la classe 1913, registre matricule des AD 57, fiche 1216:



Retraçons la vie de Léon Milat !

Léon Milat est né le 11 octobre 1893 à Pont-à-Mousson en Meurthe-et-Moselle. Il était le fils de Louis Milat et de Marie Elisabeth Chapellier. Il avait un frère, Paul, et une soeur, Jeanne.



Une recherche sur le site Mémorial GenWeb nous a appris que Léon était élève à l'institution Saint Pierre Fourier de Lunéville. Une photo le montre en tenue de lycéen de l'époque.


Il mesurait 1 m 71, et il avait les cheveux châtains et les yeux bleus.

Sans doute pour être tranquille durant ses futures études, Léon Milat, qui était "bon pour le service", décida de s'engager pour trois ans dans le 26ème Bataillon de Chasseurs à Pied le 24 octobre 1913. Son unité participa aux premiers combats de la guerre de 1914 et Léon Milat fut tué à Chaumont-sur-Aire dans la Meuse le 10 septembre 1914.

L'armée, au nom du 26ème BCP, lui décerna un diplôme posthume le 29 avril 1920.


Grâce à ce diplôme, rédigé à Vincennes, Q.G. du 26ème BCP, on apprend que Léon Milat avait reçu, à titre posthume, la croix de guerre (créée en 1915) avec sa citation:

"Excellent chasseur, brave et dévoué. Tombé glorieusement à son poste de combat le 19 septembre 1914. Croix de Guerre avec étoile de bronze". 

En plus de cette décoration, Léon Milat reçut la médaille militaire en 1920.

Ce qui est étrange est la date de son décès: 19 septembre 1914;  date confirmée par le registre matricule, alors que sa fiche indique le 10 septembre 1914. Une recherche sur le site du CICR de Genève nous apprend aussi que Léon Milat avait été porté disparu lors des combats de la Meuse et que l'on pensait qu'il avait été peut-être fait prisonnier. C'est pourquoi la fiche, abandonnée par suite, porte l'adresse du père de Léon Milat à Pont-à-Mousson.


Visiblement, la famille fut terriblement éprouvée par le décès de Léon Milat et elle garda précieusement deux grands diplômes de "Mort pour la France", retrouvés, avec les photos, chez un brocanteur. 





Lucas Wallpott, classe de Seconde 09.


8
Paul Milat, combattant des deux Guerres Mondiales.




Léon Milat avait un frère, Paul, dont nous n'avions qu'une photo annotée. Il était sous-lieutenant au 27ème Régiment d'Artillerie en 1914 et il avait survécu à la Grande Guerre puisque son nom n'apparaissait pas sur le site Mémoire des Hommes.



Comment le retrouver dans la masse des archives ? Heureusement, une carte poste écrite le 26 novembre 1915 par Paul Milat indiquait que celui-ci avait été prisonnier de guerre en Allemagne, au camp de Fürstenberg - Mecklembourg. La carte, adressée à Louis Milat (le père), réfugié à Vaucouleurs, nous apprend que Paul était bien soigné, mais qu'il avait besoin d'argent et de linge.



Une recherche sur le site du CICR de Genève, nous donne les pages des registres allemands concernant Paul Milat et donc sa date de naissance et l'adresse de ses parents.





Paul Milat était en fait sous-lieutenant au 29ème Régiment d'Artillerie en 1914, et il était né à Pont-à-Mousson le 17 juillet 1890. Il avait été fait prisonnier à Roulers, en Belgique, le 28 septembre 1915. Grâce à ces informations, on pouvait retrouver le registre matricule, toujours aux AD 57, pour la classe 1910. 



Quel parcours militaire ! 

Paul Louis Milat mesurait 1 m 69, et il avait les cheveux châtains et les yeux gris clairs. Etudiant, il s'était engagé dans l'artillerie le 7 octobre 1909 à la mairie de Lunéville. Promu sous-lieutenant au 27ème RA de Douai, il servit aussi au 29ème RA avant 1914. Il fut mobilisé dès le 2 août 1914 au sein du 29ème RA, il part pour le front le 9. Rentré à l'hôpital d'Amiens le 29 août 1914; il rejoint sa batterie le 4 septembre 1914. Il fut promu lieutenant le 26 mars 1915 et il décida de devenir "élève-observateur" dans l'aviation avec un stage le 18 septembre 1915. Dix jours plus tard, il était signalé comme disparu en mission à Roulers (Belgique). 

Prisonnier de guerre, il s'évada du camp de Francfort le 9 juillet 1918 et rejoignit son dépôt le 24 de ce mois ! Un an plus tard, il était démobilisé et rentrait chez lui, à Toul. Il fut rappelé plusieurs fois pour des stages et des formations dans l'artillerie.

Une citation à l'ordre de l'armée, du 12 février 1919, avec attribution de la croix de guerre, résume ce parcours:

"Officier ayant fait preuve au cours de la campagne de beaucoup d'énergie, de courage, de ténacité. Après s'être évadé une première fois d'Amiens le 27 - 8 - 1914 comme artilleur, a dû atterrir dans les lignes ennemies le 28 - 9 - 1915 au cours d'un vol de bombardement. Après plusieurs essais, a réussi dans des conditions périlleuses à s'évader le 9 juillet 1918 du camp de prisonniers de Francfort et a regagné la France. Croix de Guerre."

Paul Milat fut mobilisé à nouveau le 2 septembre 1939 et rattaché à un dépôt d'artillerie avant d'être démobilisé le 28 octobre 1940. Désireux de poursuivre le combat contre l'Allemagne, il décida de franchir la frontière franco-espagnole le 10 mars 1943 mais il fut immédiatement interné. Il s'évada du camp et rejoignit l'Afrique du Nord le 28 septembre 1943. Le jour même, il s'engageait dans la 2ème DB à Casablanca ! 

Selon le site Mémoire des Hommes, Paul Milat, membre des FFL, fut aussi interné résistant. Deux dossiers, conservés à Caen et à Vincennes, pourraient permettre de préciser cette partie de sa carrière militaire.

Nous ignorons la suite du parcours mais Paul Milat survécut aussi à la Seconde Guerre Mondiale ! Quel patriotisme, quel dévouement pour la France !

Jérôme Janczukiewicz, professeur d'histoire.


9
Henri - Gabriel Clément, sergent au 42ème R.I.T.
1875 - 1916




Une fois encore, le point de départ de cette biographie est une carte mortuaire, dont les informations permettent de retracer la vie d'un soldat de la Grande Guerre.


La consultation du site Mémoire des Hommes permit de retrouver sa fiche :


Cette fois, notre soldat était originaire des Ardennes; il fallait donc consulter les registres matricules de ce département pour la classe 1895 (les 20 ans de notre personnage). 


Ainsi, les éléments biographiques s'additionnaient peu à peu.

Henri-Gabriel Clément est né le 27 novembre 1875 à Létanne dans les Ardennes, une commune bordant la Meuse, non loin de Mouzon. Il était le fils de François Martial Clément et de Marie Stéphanie Georges. Au moment de son incorporation en 1896, ses parents étaient décédés et Henri-Gabriel Clément vivait à Mirecourt, dans les Vosges, où il exerçait la profession de garçon -épicier.

Sa fiche du registre matricule décrit son aspect physique : cheveux, yeux et sourcils châtains,  le front "ordinaire", le nez et la bouche moyennes, le menton rond, le visage ovale. Il mesurait 1 m 63 cm.

Bon pour le service, il fut incorporé au 150ème Régiment d'Infanterie le 14 novembre 1896, comme soldat de 2ème classe. Il monta ensuite en grade : caporal le 18 septembre 1897, sergent le 22 septembre 1898. Il repartit chez lui le 20 septembre 1899, avec un certificat de bonne conduite, et placé dans la réserve.

Le 12 février 1900, il partit s'installer à Frenelle-la-Grande dans les Vosges, puis le 13 juin 1903 à Diarville, en Meurthe-et-Moselle, non loin de Toul. A Diarville, il était négociant.

Il fut rappelé pour deux périodes d'exercices, la première fois au 79ème RI, du 25 août au 21 septembre 1902, la seconde fois au 153ème RI, du 13 juin au 9 juillet 1905. C'est sans doute lors de ce dernier rappel qu'il se fit prendre en photo, car son portrait de la carte mortuaire comporte le numéro 153 sur le col de l'uniforme. Ensuite, il passa dans l'armée territoriale le 1er octobre 1909. Il fit une nouvelle période d'exercices au 42ème R.I.T. du 7 au 15 septembre 1910.

Henri-Gabriel Clément fut mobilisé le 4 août 1914 et il servit au sein du 42ème Régiment d'Infanterie Territoriale comme sergent. Basée à Toul, cette unité servit à la défense de la place forte en 1914, puis fut envoyée au Bois-le-Prêtre au début de 1915 puis dans la Woëvre de mars à septembre 1915. Ensuite, jusqu'en mai 1916, le 42ème R.I.T. fut affecté à des travaux dans les secteurs de Seicheprey, Mandres-aux-Quatre-Tours et au Bois de la Hazelle à l'ouest de Pont-à-Mousson.

Ayant contracté la fièvre typhoïde, qui sévissait dans la région, Henri-Gabriel Clément fut envoyé à l'hôpital Gama de Toul où il mourut le 19 mai 1916. Il fut inhumé le lendemain. Un service religieux fut célébré en sa mémoire, comme le montre sa carte mortuaire, classique à l'époque, avec des extraits de textes religieux.

Il est considéré comme "Mort pour la France".

Ainsi, les archives, numérisées pour la plupart, permettent de reconstituer la vie de ce soldat et de perpétuer son souvenir.

Jérôme Janczukiewicz (10 avril 2020).