mercredi 27 juin 2018

"MON PETIT ROMAN". Carnet de guerre du caporal Jean Hacquard, 120ème R.I., 1914 - 1915


"MON PETIT ROMAN"

Carnet de guerre du caporal Jean Hacquard 

120ème Régiment d'Infanterie

1914 - 1915


AVANT – PROPOS

Je ne sais pas précisément comment ce carnet est arrivé chez moi. Mon père le tient de son père et ce dernier avait plusieurs frères et sœurs. Pourquoi mon père en a-t-il hérité, lui en particulier ? Nous l’ignorons.
Il est important de l’avoir, car c’est un témoignage important de cet ancêtre que je n’ai pas connu et qui a participé à la Grande Guerre de 14 – 18, puis qui a mené par la suite une carrière de cheminot.

Lisa Hacquard, arrière-petite-fille du caporal Jean Hacquard



Jean Hacquard





Présentation du carnet du caporal Jean Hacquard

Le carnet, que Jean Hacquard a dû acheter dans une boutique du camp de Darmstadt, mesure 15 cm sur 9 cm et fait 8 mm d’épaisseur. Il comprend 48 feuillets (96 pages) reliés par deux agrafes, chaque page comportant 20 lignes bleues. Sa couverture, en carton épais, est recouverte d’une feuille noire brillante imitant la moleskine. Jean Hacquard a écrit son nom, prénom, grade, et le lieu et la date de rédaction sur la deuxième de couverture, et, à la fin, la liste des colis reçus avec leur contenu sur la troisième de couverture.



Le texte comprend deux parties distinctes, formant en tout 57 pages :
40 pages pour le récit.
17 pages de poèmes et chansons.

Il y a en plus une page d’opérations mathématiques qui semblent avoir été corrigées puisque l’on voit l’annotation « b », pour bien, près des trois opérations.

Le récit

Le récit a été rédigé d’une traite lors de la nuit de Noël 1914 au camp de Darmstadt. Jean Hacquard, dont le nom est parfois orthographié Hacquart, avait été capturé à Montmédy le 29 août 1914 date de l’entrée des troupes allemandes dans la ville (le 28 août selon le registre du camp). Transféré en Allemagne le 6 septembre 1914, il avait connu des conditions de détention difficiles à Rastadt puis à Darmstadt. Visiblement déprimé, souffrant du « cafard » en raison de l’absence de courrier venant de France, il se décida à faire le récit de sa guerre lors du Réveillon de Noël 1914, passé loin de sa famille mais en compagnie d’autres prisonniers qu’il appelle ses « frères ».

A qui le récit est-il adressé ? Jean Hacquard fait une sorte de bilan personnel en relatant les mois de guerre et la rupture avec sa vie antérieure, mais il semble bien que le récit est aussi destiné à sa famille afin de lui décrire ce qu’il a vécu lors de la campagne d’août 1914, puis lors de sa captivité, faute de réponse à ses lettres. Le récit commence par un cri de colère et de désespoir : prisonnier en Allemagne, Jean Hacquard n’a plus de nouvelle de sa famille. Il souhaite vivement rentrer chez lui et retrouver parents et amis.

Il décrit alors sa captivité depuis sa sortie de l’hôpital de Spire le 25 octobre 1914 et son internement à Rastadt, dans le bastion d’une forteresse, entassé avec d’autres prisonniers dans des conditions sordides de promiscuité, puis à Darmstadt, dans un camp spécialement construit pour les Français, avec des baraques en bois. Il donne le détail des repas servis dans ces deux camps. Ce qui frappe est la quasi-absence de protéines animales, à part les abats (mou par exemple), contrairement aux repas riches en viande et en féculents (riz et pommes de terre) servis dans l’armée française, avec des menus comprenant surtout des soupes de légumes avec du pain noir, peu de féculents et de matières grasses. Il fallait donc compléter ces maigres repas en achetant des compléments dans la cantine du camp. 

Après cette description rédigée avec un style désabusé voire cynique, Jean Hacquard revient au début de la guerre et évoque avec nostalgie les huit mois passés à Stenay dans la Meuse.

Jean Hacquard était de la classe 1913 et il faisait son service militaire au sein du 120e Régiment d’Infanterie depuis le 28 novembre 1913. Ce régiment, dirigé par le lieutenant-colonel Mangin, était nouvellement installé à Stenay, ayant été transféré de Saint-Denis et de Péronne en octobre 1913 afin de renforcer la frontière. Avec les 9è et 18è Bataillons de Chasseurs à Pied, mentionnés dans le récit, il faisait partie de la 87è Brigade commandée par le général Cordonnier dont l'état-major était aussi installé à Stenay. 

La fiche de Jean Hacquard (avec l'orthographe Hacquart) est conservée dans les registres matricules de la classe 1913, aux Archives Départementales des Ardennes, 1 R 264, fiche n° 2394, et permet de connaître sa vie, ainsi que son acte de naissance conservé dans les registres de la commune de Colmey, numérisés par les Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle.

Né le 2 juillet 1893 à Colmey, en Meurthe-et-Moselle, et déclaré le 3 à la mairie, selon l'acte de naissance de cette commune, Jean François Hacquard était le fils de Nicolas Hacquard, journalier, et de Joséphine Marie Larbepenet, sans profession, décédés au moment de la rédaction de la fiche, ce qui explique sans doute l'importance, visible dans le carnet, donnée à sa tante Pauline Hacquard. Il exerçait la profession de domestique de ferme et avait un niveau d'instruction assez limité (niveau 2). Il mesurait 1 m 73 cm, avec des yeux bleus foncés et des cheveux châtains foncés. Une coupure sur l'annulaire gauche est aussi signalée.








Jean Hacquard semble avoir gardé un très bon souvenir des mois passés dans la Meuse car il avait des amis à Stenay. Il donne alors un récit détaillé des préparatifs de l’armée française mise en alerte dès le 26 juillet 1914, avec le retour des permissionnaires. Ensuite, c’est sa nomination comme cycliste du commandant le 29 juillet, afin de porter les messages aux diverses unités ; puis le régiment quitte Stenay le 31 juillet 1914 pour se poster entre Jametz et Damvillers, en arrière de la frontière, afin d’éviter tout incident avec l’armée allemande, conformément aux consignes du gouvernement (les troupes françaises devaient rester à 10 km de la frontière).


Le fantassin français en août 1914. Fort de la Pompelle.


Du 1er au 5 août 1914, Jean Hacquard dut accomplir plusieurs missions afin de mobiliser les réservistes dans les environs de Stenay : les 1er et 2 août, il doit faire un long parcours en vélo dans un triangle Stenay – Juvigny – Olizy, ce qui l’épuise, puis alors que la guerre vient officiellement d’être déclarée par l’Allemagne, il repart pour Louppy et Damvillers afin de réaliser la liaison avec le régiment. On goûtera le pittoresque du récit avec les multiples va-et-vient, les pauses chez les paysans, le faux billet de réquisition utilisé pour le ravitaillement.



Jean Hacquard aurait dû recevoir ce type de billet comme "vélocipédiste" de son unité; faute de quoi, il rédigea un faux billet pour pouvoir manger dans les villages traversés. Collection particulière.


Enfin, le 10 août 1914, la guerre commence véritablement pour Jean Hacquard, nommé caporal le 6. Son récit montre parfaitement le « consentement patriotique » qui animait les Français de l’époque : certes, il aurait aimé rester tranquille à Stenay, mais les « Boches » ayant attaqué la France, « notre chère Patrie », il devait la défendre contre les « Barbares ». Sa vision des Allemands, développée dans les poèmes et chansons, est traditionnelle : peuple de sauvages, cruels, vaniteux, ne respectant pas les lois de la guerre, les Allemands sont détestés, surtout l’empereur Guillaume II, le chef des « bandits ».

Jean Hacquard donne ensuite un récit précis de la Bataille des Frontières : le 120e Régiment d’Infanterie marche vers le sud-est, vers Pillon, puis remonte vers le nord et passe la frontière belge à Sommethonne le 21 août 1914 après une longue marche sous une chaleur écrasante. Les soldats sont épuisés par ces marches successives, trempés de sueur, souffrant d’un ravitaillement souvent déficient, dormant dans les granges. Par contre, les villageois, français et belges, se montrent accueillants : ils logent volontiers les soldats, leur offrent de la nourriture, des cigares, des boissons…

Il évoque aussi l’installation de tranchées dans le secteur de Delut et de Villers-le-Rond : en août 1914, les tranchées, aménagements prévus dans les manuels militaires avant la Grande Guerre, étaient des fossés protecteurs, utilisés de façon provisoire, qui permettaient aux soldats de se retrancher et de se protéger des tirs ennemis. Elles n’avaient ni l’ampleur, ni la sophistication des tranchées construites après décembre 1914.

La guerre reste pour le moment encore lointaine pour Jean Hacquard : il entend les bombardements, voit les destructions dans les environs de Pillon, note la capture de soldats allemands après une attaque française et le survol de son unité par un avion allemand. C’est en Belgique qu’il connaît son baptême du feu, le 22 août 1914, lors de la bataille de Bellefontaine. Son unité semble surprise par la présence des Allemands solidement retranchés dans un bois. Son escouade part chercher le contact avec l’ennemi mais, bloquée par une haie, elle se fait décimer sans qu’une riposte ne soit possible. Jean Hacquard montre son courage en se découvrant pour tenter de repérer les positions des Allemands, en vain. Il s’aperçoit alors que ses camarades ont rebroussé chemin, sans le prévenir !

C’est en tentant de les rejoindre qu’il reçut une balle qui lui traversa la cuisse droite et la fesse gauche, tandis qu’une autre balle traversait son bidon et qu’une troisième passait entre ses jambes.

Rampant sur le sol, Jean Hacquard ne pouvait plus combattre. Son capitaine lui ordonna alors de rejoindre le village de La Hage (ou Hache juste à côté) où, après un trajet pénible de 3 km,  il est pris en charge par un médecin, puis il est évacué sur Meix-devant-Virton puis, sous les bombardements allemands, sur Sommethonne alors que l’armée française bat en retraite suivie par des réfugiés belges. Les blessés français passent une nuit pénible dans une grange, totalement négligés par les infirmiers, puis, au matin, les blessés pouvant marcher quittent le village tandis que les autres sont abandonnés… Jean Hacquard et ses compagnons reçurent alors l’aide d’une jeune femme belge qui les soigna, les nourrit et les fit partir pour Montmédy. Cette partie du récit est très poignante avec le massacre des soldats français lors de la bataille de Bellefontaine, les bombardements, l’afflux des blessés finalement abandonnés … Le 120è Régiment d'Infanterie perdit 21 officiers et 873 hommes lors de la journée du 22 août 1914... 

A Montmédy, Jean Hacquard est admis à l’hôpital militaire où il est bien soigné. Il put même voir des membres de sa famille qui avaient quitté Colmey, mais le 29 août 1914 (le 28 selon le registre du camp de Darmstadt), les Allemands occupent la ville après le départ de la garnison française et il est fait prisonnier. Après quelques jours passés à Montmédy, Jean Hacquard partit pour Thionville via le Luxembourg, puis fut interné à Spire, Rastadt puis Darmstadt comme il l’a relaté dans son « petit roman », expression que nous avons reprise comme titre du carnet.




Fiche de prisonnier avec les pages du registre du camp de Darmstadt conservées dans les archives du CICR de Genève mentionnant Jean Hacquard, dont le nom est orthographié avec la variante Hacquart.

Le parcours de Jean Hacquard en Allemagne avec les différentes villes où il fut interné.



Les archives de la Croix Rouge à Genève ont conservé la trace de son passage au camp de Darmstadt où il est encore inscrit comme prisonnier le 19 octobre 1917. Jean Hacquard fut libéré après la signature de l’Armistice le 11 novembre 1918, et il fut rapatrié en France le 9 décembre 1918. 

Sa carrière militaire se poursuivit encore quelques mois: affecté au 69ème Régiment d'Infanterie le 1er mars 1919, il fut ensuite muté dans une unité de logistique, la 23ème Section de COA (Commis et Ouvriers de l'Administration), le 20 avril 1919. Il ne reçut son congé que le 2 août 1919 et il mena alors une carrière de cheminot aux Chemins de Fer de l'Est où il fut affecté le 20 avril 1920. Il vécut alors à Nancy où il s'était installé dès août 1919, d'abord au 167 rue de l'Etang puis au 10 rue Villebois-Mareuil. Il se maria à Nancy le 6 janvier 1920 avec Marie Elise Cadiot et il eut toute une descendance. Il mourut dans la même ville le 27 avril 1964.


Poèmes et chansons

Le récit s’arrête en décembre 1914, mais le carnet comprend aussi des poèmes et des chansons composés ultérieurement. Jean Hacquard a-t-il pris le goût d’écrire ? Le premier poème est le « Noël des Captifs », rédigé aussi le 24 décembre 1914 avec l’aide d’un camarade, Léonce Clarys, dont nous n’avons pas trouvé de trace dans le fichier du Comité International de la Croix Rouge. Viennent ensuite « L’heure a sonné », « Guillaume II roi de Prusse », « Ma petite Française », « Une 1ère à Berlin » qui achève le recueil à la date du 15 septembre 1915. Visiblement, Jean Hacquard s’ennuyait beaucoup à Darmstadt puis à Breitenborn où il avait été transféré le 2 mai 1915.

Ces poèmes et chansons s’inscrivent d’abord dans la veine des chants patriotiques à l’imitation des « Chants du soldat » de Paul Déroulède. L’Allemagne, puissance agressive, y est décriée ainsi que ses habitants brutaux, cruels, vaniteux, détestés de tous tandis que la France y est exaltée ainsi que les qualités de ses habitants et soldats, courageux et valeureux. L’empereur Guillaume II et le chancelier Bismarck (mort en 1898…) focalisent cette haine contre l’Allemagne en cumulant toutes les tares de la « race allemande ».

La nostalgie du pays y est aussi présente avec le « Noël des Captifs » où l’amour du village natal et la tristesse d’être loin de chez soi sont décrits de façon émouvante. Enfin, « Ma petite Française » s’inspire des chansons coloniales tout en soulignant les vertus de la femme française.

Les pages sont vides après le 15 septembre 1915. Jean Hacquard était-il lassé d’écrire ? Cela s’est vu chez d’autres soldats, qui arrêtent leur carnet après quelques mois, fatigués d’écrire. En effet, la rédaction du carnet a dû représenter un gros effort pour Jean Hacquard. Les fautes d’orthographe sont assez fréquentes et la syntaxe est parfois bancale, malgré une relecture du texte visible grâce à des corrections. Les poèmes, et surtout le dernier, « Une 1ère à Berlin », sont souvent laborieux avec des vers dont le sens n’est pas toujours clair.

Pour établir le texte, nous avons scrupuleusement respecté orthographe et syntaxe, en rajoutant entre crochets la ou les lettres manquantes, ou bien [sic] lorsque le mot ne pouvait être corrigé. Les fautes d’orthographe sont assez répétitives (« l’orsque », « pensé » etc) et l’orthographe d’un même mot peut aussi varier comme « France » écrit parfois « Françe », « Montmédy » qui devient « Mondmédy » etc. Pour les noms de lieux, nous avons aussi conservé l’orthographe du manuscrit, comme « Danvillers » au lieu de « Damvillers » ou « Mexce » au lieu de « Meix », « Rastatt » au lieu de « Rastadt » ; le lecteur pourra suivre les déplacements de Jean Hacquard sur des cartes d’époque. Par contre les accents manquants ont été rajoutés ou parfois corrigés et une ponctuation a été aussi placée dans des phrases trop longues.

La transcription du texte n’a pas posé de problème particulier, l’écriture étant très soignée, mais parfois le sens d’un mot reste parfois obscur notamment dans les poèmes, dans ce cas nous avons rajouté un point d’interrogation.

Le carnet de Jean Hacquard est un document très intéressant pour celui qui étudie la Bataille des Frontières, grâce aux nombreux détails qu’il donne sur les déplacements du régiment et les conditions de vie des soldats. Il fournit aussi des informations précieuses sur les prisonniers de guerre français en Allemagne en 1914-1915. Nous espérons qu’il trouvera des lecteurs curieux et que les historiens de la Guerre 14-18 le prendront en considération.

Jérôme JANCZUKIEWICZ et Lisa HACQUARD



Ouvrage consulté sur le site Gallica: Historique du 120è Régiment d'Infanterie pendant la guerre 1914 - 1918.









« MON PETIT ROMAN »

Carnet de guerre du caporal Jean Hacquard, 120ème Régiment d’infanterie
1914 – 1915



Carnet appartenant à Hacquart Jean
Caporal 120e de ligne
11e compagnie
Stenay Meuse
Commencé le 24 décembre 1914 au camp des prisonniers de Darmstatt
Allemagne





Campagne de 1914

Me voilà donc prisonnier, quel sup[p]lice déjà depuis bientôt 5 mois et sans savoir quand arrivera ce grand jour de la délivrance ! On commence par s’ennuyer fortement surtout depuis où [sic] jai [sic] quitté Stenay je n’ai pas eu le bonheur de recevoir une seule lettre ; jai [sic] pourtant écrit très souvent mais jamais de réponse. Que sont devenu[s] ceux que j’aimais et dont je ne sais s’ils sont encore vivant[s] ou mort[s] ? Du moins j’espère avoir le bonheur de pouvoir les revoir tous en rentrant, ou tout au moins, une grande partie ; peut-être auront-ils eu le même bonheur /

que moi d’échapper à la mort dans cette terrible guerre où beaucoup de mes camarades ne reverront jamais les leurs. Alors dans ce camp où je me trouve, réunis avec des milliers de frères, je profite de ces jours d’ennui pour retracer tous mes jours de campagne qui ont été si durs et si cruels pour moi.
Avant que de vous reproduire tou[te]s ces horreures [sic], je voudrais vous faire savoir la vie que l’on nous fait subir parmis [sic] ces barbares.
Voilà déjà depuis le 25 octobre que j’ai quitté l’hôpital ; là c’était le vrai bonheur envers des sup[p]lices que nous éprouvons maintenant, et les douleurs de mes blessures. /

Après avoir quitté l’hôpital, on m’a dirigé sur un camp de concentration que l’on appelle Rastatt. Là j’y suis resté 25 jours. Comme logement nous étions dans un bastion qui était en quelque sorte comme une cave où nous étions serrés comme des harengs. Comme nourriture, c’était le café matin et soir avec une livre de pain noir par jour, et le repas de midi n’était guère meilleur : on nous procurait de la choucroute avec des tripes ou du gras dou[x], du mou, mais n’oublions pas quand c’était jour exceptionnel, on voyait nager quelques bouts de lard sur l’eau, car ce n’est pas cela qui manquait. Heureusement /

que nous avions une petite cantine où nous pouvions nous procurer beaucoup de petites choses, naturellement celui qui avait de l’argent.
Enfin, on a trouvé que nous étions trop bien, et on nous a transférés dans un camp d’instruction du non [sic] de Darmstatt où nous sommes toujours pour le moment. Ici, c’est un peu mieux, nous sommes dans des baraques en planches que l’on a fait tout exprès pour nous.
Nous avons comme lit de milieu une paillasse et une couverture, mais dans ces baraques nous sommes à peu près 125 ou 150, ce n’est pas fixe. En tous cas, je crois que pour l’instant /

nous sommes peut-être plus de 1000 car il n’y en a pas mal qui ont de la garnison de bêtes à mille pattes.
Quand au menu, voici à peu près comme il est désigné : le matin café à l’orge, midi : soupe aux fèveroles pour le lundi et le soir bouillon clair et avec ça une boule de pain noir de 3 livres pour 3 jours, le mardi : soupe aux rutabagas midi et le soir mito[n]nade avec du pain noir et de l’eau. Mercredi : soupe aux choux et le soir bouillon clair pour ne pas attraper d’indigestion. Jeudi midi : pommes de terre cuite à l’eau avec morue et le soir soupe claire avec quelques choux. Vendredi midi : riz avec /

confitures et le soir café à l’orge, comme d’habitude, avec un petit fromage. Samedi : soupe au lard et le soir soupe claire. Dimanche midi : rata au mouton et le soir soupe, et toujours la même chose sauf les jours de fêtes où l’on fait quelques plats suculants [sic].
Avec tout cela, il ne faut pas trop ce [sic] plaindre puisque nous avons de quoi ne pas mourir en espérant que nous aillions bientôt voir s’ils nous en ont laissé.
Après vous avoir raconté toutes ces belles choses, je vais vous faire un petit récit des quelques jours de campagne que j’ai eu le bonheur de faire.
Après avoir passé 8 mois tranquille dans cette petite ville de /

Stenay, il a fallu que ces bôches [sic] viennent nous chercher querelles et nous obliger d’aller nous faire trouer la peau pour faire respecter notre chère Patrie.
Après avoir passé 24 h. auprès de mes chers parents et amis le 26 juillet, dernière belle journée car après on ne pensait plus à prendre du plaisir. En rentrant donc le soir, on me dit que l’on faisait rentrer les permissionnaires ; on avait donc déjà des doutes que bientôt il faudrait partir. Le lundi, on apprend qu’il ne faut pas faire l’exercice à moins de 5 km. pour qu’en cas de surprise on n’aie [sic] qu’à partir.
Le 28 la même chose jusqu’au mercredi 29 ; ce jour même on me /

fait savoir que je passais cycliste du commandant d’armes ; je ne quittais donc plus la caserne pour être présent au moment où l’on aurait besoin de moi. Le 30, la même chose, mais voilà que le 31 tout change : à 8 h du matin, je reçois de me m’être [sic] en tenue de campagne. C’était bien fini, nous étions tous fixés. Mon camarade, qui était cycliste, reçoit l’ordre d’aller chercher la compagnie qui faisait du service en campagne sur la route de Bâlon, et à midi notre régiment quittait notre caserne au son de la Marseillaise et du Champ [sic] du Départ et allait prendre sa place à la frontière, c’est-à-dire Jametz et Danvillers [sic]. Moi, je restais là avec quelques camarades pour /

recevoir les réservistes qui formaient le 2ième échelon et confectionner les ballots pour envoyer au dépôt à Péronne.
Le 1e août se passe donc à se [sic] travail l’orsque [sic] le soir le Lieutenant-Colonel me donne des ordres d’appels à porter aux réservistes des pays de Juvigny, Han-lès-Juvigny, Quincy, Chauveney-le-Château, Brouhènes, la Mouilly, Olisy et Stenay dont je rentrais à 6 h. du matin après avoir esquinté la roue devant de ma bicyclette et m’enlever un morceau de chair à la main droite.
Le 2, même travail que la vielle [sic] après avoir fait réparer ma machine et me procurer ce que j’avais besoin pour partir et à 10 h. du matin, mon Capitaine, qui com[m]andait le 2e échelon, reçoit l’ordre de quitter Stenay et rejoindre le régiment qui occupait toujours le /

même cantonnement. Nous quittions donc cette petite ville avec le cœur gros car nous y laissions des amis et nous prenions la route de Bâlon.
En arrivant à Bâlon, le Capitaine me donne un pli pour aller remettre au Colonel à Danvillers [sic]. Après avoir vidé quelques quarts d’eau et faire remplir mon bidon de café que j’ai payé O fr 45 sans sucre, je me dirige sur Danvillers [sic]. En arrivant à Loupy, je rejoigne [sic] notre Lieutenant major qui avait sa bicyclette crevée. Il me demande de lui réparer, ce qui fut bientôt fait et nous continuons notre route, après avoir bu un bon verre de vin chaud que nous avions pris à la hâte, car en ces moments-là on ne s’amuse pas. Nous arrivions à Danvillers [sic] et je vais remettre mon ordre au Colonel. /






Je me préparais à partir l’orsque [sic] j’aperçois un café à la sortie du village. J’entre et prend un petit verre dont la la [sic] bonne femme me donne une bonne tas[s]e de lait bouilli. Après avoir bu ces boissons qui m’ont fait grand bien, je me disposais à repartir pour aller me reposer au plus vite car il y avait 3 jours que je ne dormais pas, l’orsqu’une [sic] pensée me vint. Je demandais un bout de papier à cette bonne dame et je me faisais un bon comme si c’était le colonel, m’autorisant à me faire produire à souper et un lit pour la nuit, car j’étais très fatigué ; mais en campagne, on ne trouve pas un lit tous les jours. Qu’importe, je me hasarde et je reparts [sic] pour accomplir ma mission l’orsque [sic] je passe devant une ferme qui se trouvait devant le bord de la route. Je m’arrête et j’entre dans cette maison en présentant à la fermière /

mon précieux billet que je m’étais procurer quelques minutes auparavant. Après avoir lu ces quelques mots, cette bonne dame consent à me donner 2 œufs cuit[s] dans la cendre et une grande tas[s]e de lait. Après l’avoir remercié, je continue ma route et j’arrive à Jametz où mon Capitaine soupait avec les officiers. Je lui remet[s] l’ordre dont il m’avait confié, et me dit d’aller rejoindre la compagnie qui se trouvait à Loupy.
Arrivé à Loupy, j’ignorais où ma compagnie s’était installée, quand je me resouvins [sic]  de mon précieux billet qui m’avait déjà rendu service et arrivé au [sic] première maison, je me présente chez un cultivateur dont je croyais trouver mon affaire, mais voilà qu’il y avait déjà des officiers. Je demande simplement si elle pouvait me procurer /

à souper et un lit sans montrer mon billet, car il était faux. Cette dame me répond qu’elle ne pouvait le faire car elle avait des officiers. Je n’ai pas insisté et je lui demande simplement si elle ne pouvait m’indiquer où je pour[r]ais me procurer cela. Elle me fait conduire chez de braves paysans qui n’avai[en]t justement personne. Je me présente à ces bons vieux dont je fus très bien accueillit [sic] et je lui demande si elle voulait se permettre de lire mon petit billet. Tout aussitôt ces bons vieux, se rappelant sans doute de leurs enfants, me font aussitôt une bonne omelette arrosée d’une grande tâse [sic] de bière.
Après avoir avalé cela, ils me montrèrent un bon lit où je ne tardais pas à m’endormir car je n’en pouvais plus.
Le lendemain, ces bons vieux me font déjeuner avec eux et après les avoir remercier [sic] /

très cordialement, je vais rejoindre la compagnie. Aussitôt arrivé, je reçois une lettre de Colmey. C’est la seule et unique que j’ai reçu dans toute la campagne et pourtant j’ai écrit plus d’une fois. Après m’être débarbouillé, je me repose en attendant que l’on me renvoi porter des ordres, aussi j’en profite pour écrire plusieurs lettres et la journée se passe ainsi.
Le soir, je repars pour Danvillers [sic] où je couche au bureau du Colonel avec plusieurs cyclistes l’orsque [sic] vers 2 h. du matin on nous fait lever pour porter cette triste nouvelle dans toutes les directions : « La guerre était déclarée ». La pluie tombait à torrent et je marchais toute la journée tout trempé et couvert de boue.
Le 5 août je suis de planton au /

poste de police où je reste à peu près en repos, l’orsque [sic] vers 2 h. on m’ordonne de partir au plus vite sur la route de Stenay à la poursuite de 2 voitures qui retournaient à Stenay, et les faire retourner à Loupy pour se ravitailler. De là, j’en profite pour aller revoir les amis à Stenay et, en même temps, prendre quelque provisions car on ne trouve plus rien dans les pays.
Le 6, on m’apprend que je viens de passer Caporal. Je continue quand même mon service de cycliste toute la journée jusqu’au 7 où on me force de donner ma machine à un camarade et entrer dans une escouade.
C’était fini, mon bon temps était passé car il fallait porter mon sac comme les autres. Malgré cela, le Capitaine m’envoye [sic] à Stenay avec  le Lieutenant /

chercher des provisions pour les officiers et la compagnie. Pensé [sic] si j’étais heureux d’aller revoir Stenay et pourtant, il pleuvait à Sceaux [sic]. Je rentre au cantonnement à 8 h. du soir, chargé comme une mule, car j’avais des provisions pour moi et mes camarades et les officiers.
Le 9. Le Lieutenant me donne la permission de rester au cantonnement pour me nettoyer et me reposer et surtout me faire sécher.
Le 10, on se repose une partie de la journée l’orsque [sic] vers 3 h. nous quittons Loupy pour aller cantonner à Delut. Mais quelle triste marche par une chaleur terrible et chargés comme nous l’étions !
J’étais trempé de sueur. J’ai failli rester sur la route de la soif, mais j’étais content tout de même car /

je savais trouver là quelques bons amis dans ce village.
Le 11, il y a repos toute la journée.
Le 12. Nous partons faire des tranchées à la sortie du bois de Dombras.
Le 13 et 14, 15, la même chose.
Le 16, nous étions restés au cantonnement l’orsque [sic] vers 1 h. nous avons alerte pour partir à l’attaque. Nous nous dirigeons d’abord sur Marville, mais arrivé à la sortie du bois, nous prenons la droite et nous prenons la directions [sic] de St-Laurent. Après avoir laissé nos sacs dans un champ de luzerne, auprès du bois, nous nous déployons en tirailleurs par une chaleur terrible, traversant les avoines, les blés etc, enfin nous gagnions St-Laurent où nous pouvons nous désaltérer à notre aise, un bon vieux /

camarades [sic] me donne un bidon de vin dont j’étais très content ; et nous poussons l’attaque sur Pilon que notre artillerie bombardait et dont les flammes dévastaient le pays.
Nous arrivions en présence de l’ennemi vers 5 h., 2 sections de la compagnie charge[nt] à la baïonnette et font 11 prison[n]iers dont 1 officier et 2 mitrailleuses. Après avoir fait cette petite capture, nous retournions à notre cantonnement en passant par St-Laurent où nous laissions l’officier qui était blessé à l’estomac et nous repartions pour Delut passant par le même chemin que pour partir, pour reprendre nos sacs qui étaient toujours dans le champ de luzerne et nous arrivions à Delut vers 10 h. du soir.
Le 17, repos, mais ma compagnie est /

désignée pour prendre la garde au poste de police. La matinée se passe à astiquer son fusil et à se nettoyer et à 10 h. je prends la garde jusqu’au 18 à 10 h.
Le 18, le reste de la journée, service en campagne aux environs de Delut pour ne pas perdre l’habitude et nous rentrons vers 4 h. au cantonnement l’orsque [sic] nous apercevons un aéroplane allemand planant au dessu[s] du village. Toute la section fait feu mais sans résultat.
Le 19. Le Capitaine nous fait passer une revue de petit[e]s vivres et d’armes dans la matinée et nous avertit de nous tenir prêt à partir car probablement que l’on quitterait Delut pour aller aillieurs [sic].
Ce fut exacte [sic] car à 11 h. 1/2 du matin, nous quittions Delut et nous nous dirigions sur Flassigny en passant par Marville. Nous arrivions à Flassigny vers 2 h. et aussitôt ma section /

est encore désignée à prendre la garde jusqu’au lendemain à 10 h. Pendant ce temps, j’écris encore une lettre à ma tante en lui disant que je me portais toujours bien mais je n’ai pas eu de réponse non plus de cette lettre. Je quittais donc la garde à 10 h. où l’on se reposait jusqu’au 20.
J’en profite pour me nettoyer, me faire couper les cheveux ; on fait une partie de cartes avec les amis, et sa [sic] se termine ainsi jusqu’au 20 dans la matinée, l’orsque [sic] vers midi la compagnie quittait le canton[n]ement de Flassigny et allait prendre les avant-postes à la ferme de la Hignay pour surveiller toute la plaine de Vezin.
Nous couchions donc dehors toute la nuit dans les tranchées, environs 1500 m. du village de Villers-le-Rond. La nuit se passe très bien, un peu froide naturellement, mais sans /

incident, sauf que je marche une partie de la nuit à la relève des sentinelles. Quand, vers 2 h. du matin, nous recevons l’ordre de quitter les avant-postes et de rejoindre le régiment à Velosnes en passant à 200 m. environ de Vezin et nous rejoignons le Régiment vers 9 h.
Aussitôt, nous prenions la route de Mondmédy [sic] croyant bien y canton[n]er car on étaient [sic] bien fatigués, mais avant que de traverser Montmédy, le Capitaine nous dit que nous allions passer devant le Général de division. C’était bien autre chose que de faire la pose [sic], pourtant nous avions grand’fain [sic] car nous étions partis avec un quart de café froid depuis 2 h. du matin.
Nous traversions donc Mondmédy [sic] sans nous arrêter et vers 1 h. le régiment s’arrête pour faire soi-disant la grand’ halte composée d’un quart de café fait avec l’eau qui était dans les fossés /

et un morceau de pain car nous n’avions pas nos vivres avec nous. Après avoir fait cette petite pôse [sic], on se remet en marche sans savoir où nous allions quand le Colonel, passant auprès de nous, nous dis [sic] à tous : « Courage mes enfants, aujourd’hui la journée sera dure mais je crois que demain ce sera encore plus pénible car il y aurait des chances que nous prenions l’offensive ».
Pensé [sic] si ça nous a donné du courage à tous car depuis le temps que l’on faisaient [sic] des kilomètres pour rien, on allait enfin pouvoir face à notre redoutable ennemi !
Nous marchions donc toujours en nous dirigeant vers la Belgique l’orsque [sic] nous dépassons le 9e chasseurs qui canton[n]ait à Grand-Verneuil et nous poussons jusqu’à Thone-la-Long. Là, on s’y arrête pour y canton[n]er. Ce n’était pas dômage [sic] car nous /

étions tous bien fatigués, trempés de sueur et couverts de poussière. Aussitôt arrivés, on met la soupe en route, car nous avions hâte de lui faire honneur. Pendant qu’elle cuisait, j’en profite pour me laver et me changer chez de braves cultivateurs du pays, quand tout à coup, un terrible orage s’abat sur le village et aussitôt le clairon sonne l’alerte.
On se met vite en tenue en emportant la viande et les légumes à moitié cuites et on se remet en marche vers la Belgique. Vous voyer [sic] comme la soupe a été vite mangée ; heureusement que j’avais pu me faire faire une petite omelette au jambon que nous avions avalés à la hâte avec mon camarade et qui nous a fait grand bien. Nous quittions donc Thone-la-Long vers 6 h. au soir avec tous le cœur gros car nous allions bientôt quitter tous notre chère France pour passer la /

Frontière sans savoir si nous y reviendrons tous vivants. Hélas, malheureusement que non ! Nous passons donc au poteau à 7 h. du soir aux cris de « Vive la France ! ».
A peine avions nous fait 3 km. que nous traversions le 1e village belge : Sonne-Thone. Là canton[n]ait le 18e chasseurs à pied et j’ai eu le plaisir de voir mes camarades de Colmey et d’aux [sic] environs et surtout C[h]ristophe Blanchard avec qui j’ai causer [sic] pendant quelques minutes en traversant le village.
La nuit tombait et nous marchions toujours sans savoir où l’on pourrait arrêter pour dormir quelques heures, surtout, après avoir passé la nuit dehors, nous tombions tous par la fatigue et le som[m]eil.
Après avoir fait une paire d’heures de marche, on fait la pose [sic]  de 10 minutes. Tout aussitôt, on se couche sur son sac le /

long de la route et 5 minutes plus tard tout le monde dormait, harassé par la fatigue.
Nous aurions volontiers couché sur la route mais il fallait aller le plus loin possible pour attaquer l’ennemi le lendemain matin. Quand le coup de sifflet a donné le signal de se remettre en route, on ne savait si on voulait avancer ou rester là. Enfin, on continu[e] notre route avec le même courage quand nous apercevions la lumière des premières maisons d’un village. C’était Mexce devant Virton. Pensé [sic] si nous étions tous heureux car on savait que nous allions pouvoir nous reposer quelques heures ! Aussitôt arrivé dans le pays, on fait son possible pour trouver une grange ou une maison possible quelconque mais c’était difficile car tout le monde dormait.
Je parvins tout de même à trouver une chambre dans un logement où je couche avec mon /

escouade sur un peu de paille. Après avoir bu une trouvé ce bon abri pour moi et mes camarades, je me mets à la recherche de quelques nourritures car on ne pensait plus à faire chauffer celle qui était dans nos marmites sur les sacs. J’aperçois une charcuterie. Aussitôt j’entre pour acheter un peu de fromage pour manger avec le peu de pain qui me restait ; mais ces bonnes gens, voyant que je parlais le même langage qu’eux, me font entrer à leur cuisine où je ne tardais pas à dévorer quelques tartines de beurre et une bonne tâse [sic] de café au lait avec le commandant du 1e bataillon qui était déjà installé.
Après avoir absorbé tout cela, je regagnais ma chambre, je me couchais bien vite et je ne tardais pas à m’endormir. Il était bien l’heure d’y penser, minuit sonnait. Le lendemain, à 4 h. 1/2  /


La longue marche de Jean Hacquard de Stenay à Belle - Fontaine en Belgique


du matin, le réveil sonne et une demi-heure après on se m’était [sic] en route vers le village de La Hache après avoir bu une tâse [sic] de lait qu’une bonne femme belge m’avait donné.
Ce jour-là était le 22, terrible journée qui sera longtemps gravé[e] dans ma mémoire. Après avoir traversé le petit village de la Hache où nous défilions parmis [sic]  les habitants qui formaient la haie de chaque côté de la route avec des œufs, du café, de la bière, des tartines de beurre, du chocolat, des cigarres [sic] etc ; enfin chacun pouvait se procurer quelques petites choses en passant.
A peine avions-nous fait 3 km. de ce village que le régiment s’arrête ; on fait une pose et aussitôt les patrouilles s’en vont dans toutes les directions. Une demi-heure plus tard, les balles commençaient à siffler, l’heure était venu de se venger ; à tout prix, il fallait atta- /

quer ces barbares qui étaient retranchés dans la lisières du bois à la droite de Belle-Fontaine. Mon bataillon prend la droite dans la direction de Virton et nous nous déployons en tirailleurs par lignes de demi-section à 20 pas de distance.
Pensé [sic] si la mitraille crachait ! Les balles, les obus, tout faisaient rage. Malgré cela, nous avancions toujours par bon[ds], en laissant derrière nous déjà quelques camarades blessés ou mort[s].
Nous descendions une petite colline quand, arrivés au bas, nous trouvons des parcs de pâturages, des grandes haies, ce qui nous empêchaient [sic]  d’avancer. Nous nous arrêtons à l’abri d’une de ces haies, derrière un petit talus, mais nous ne voyons absolument rien, et mes camarades tombaient raide mort dont, parmi eux, un /

sergent, le brave sergent Monpeur qui est tombé à la 1e balle et sans savoir où il avait pu être touché. Nous arrêtions toujours derrière ce petit talus quand le Lieutenant crie au sergent-major, qui était à notre droite, de regarder ce qu’il y avait devant nous, mais lui qui tressaillait de la peur me dit de regarder à sa place. Aussitôt je me lève par-dessu[s] la haie en lui disant « Mourir pour mourir, chef, le devoir avant tout ». Mais je n’avais su rien voir, et je me remet[s] donc à l’abri à mon ancienne place et je fixais toujours en avant pour voir si j’aurais le bonheur de voir un de ces brigands et lui ôter la vie quand, tout-à-coup, je me retourne et je ne vois plus personne. Tous les camarades avaient disparus sauf ceux /

que la mort avait frappé pour toujours ou les blessés. Me voyant seul parmis [sic] ces cadavres, je me disposais à quitter mon abri et à tacher de retrouver ma compagnie qui avait battu en retraite ; mais à peine avais-je fait demi-tour que je tombais comme mes camarades, blessé par une balle dans la cuisse droite et la fesse gauche, une autre avait traversée mon bidon, une troisième m’avait passée entre les jambes.
Maintenant j’étais comme les frères, obligé de rester là en attendant que ces Prussiens viennent me relever et me faire prisonnier ou bien qu’une autre balle vienne m’achever. Mais, rassemblant mes forces malgré le sang qui coulait à flots, je décharge mon fusil sur ces bandits et j’essaye de /

faire mon possible pour tâcher d’aller en arrière, quand je rencontre mon Capitaine qui me demande où j’allais :
« Mon Capitaine, lui répondis-je, je serai heureux de continuer la lutte avec vous mais je suis blessé et je sens que mes forces m’abandonnent ».
« Hé bien, me dit-il, faites votre possible et tacher de gagner le village de la Hache ! ».
Je le quittais donc avec les larmes dans les yeux car il était brave et je ne pouvais marcher à ses côtés.
Je prenais donc la direction du village, mais il était encore loin, environ 3 km. Je faisais mon possible et je traversais bientôt les lignes du 18e chasseurs à pied qui venaient nous renforcer, et une [heure] après, je venais tomber au[x] premières maisons du village dans les bras d’un major. Il me fit mon panse- /

ment à l’aide de mon paquet individuel et quelques minutes plus tard, j’arrivais à l’ambulance que deux brancardiers m’avaient amenés. Je trouvais là plusieurs de mes camarades qui, comme moi, avaient échappés à la mort, et aussitôt le major me recousait mes plaies aux  vifs [sic], pour arrêter le sang qui coulait à flots.
Je restais à l’ambulance pendant 2 heures et on me transportait à Mexce que j’avais quitté la vielle [sic] bien portant. On me fait entrer dans une nouvelle ambulance où se trouvaient les médecins et chirurgiens, mais à peine étais-je arrivé dans ce pays que les obus pleuvaient sur le village.
Quelle terreur parmis [sic] ces malheureux Belges qui fuiaient [sic] avec le peu de mobilier qu’ils pouvaient emporter !
Malgré le drapeau de la Croix Rouge /

qui flottait sur le toit, les obus continuaient à pleuvoir sur le pays et il fallut absolument partir et revenir en arrière. La nuit tombait. Nous quittions donc Mexce vers 7 h. du soir et nous prenions la route de Sonne-Thône, transporté dans un fourgon à vivres, parmis [sic] les pommes de terre, les légumes, le pain etc.
Pensé [sic] si j’étais heureux avec les cahots et la fièvre qui me torturaient !
Nous arrivons donc à Sonne-Thone vers 10 h. du soir. Les granges étaient déjà bondées de blessés. Je trouve tout de même un petite [sic] [peu] de place sur un peu de paille mais il me fut impossible de dormir tellement j’avais de la fièvre. Toute la nuit se passa parmis [sic] les engoises [angoisses] des camarades Quelle nuit terrible que celle du 22 août qui comme moi avaient beau demander à boire mais personne ne vint et /

pourtant les infirmiés [sic] français dormaient dans la paille à côté de nous. Qu’importe, ils ne se dérangèrent pas !
Quelle nuit terrible que celle du 22 août ! Aussi vous pouvez croire que j’étais heureux quand le jour est venu car on nous avait promis de nous faire évacuer au plustôt [sic] sur Mondmédy [sic]  ou Stenay aussitôt que l’on pouvait le faire, mais on ne s’occupait plus de nous.
Les camarades qui pouvaient marcher s’en allèrent et nous restions là, 3 qui étai[en]t fortement blessé[s]. Nous avions bien tout 3 l’intention de voir apparaître les Allemands plustôt [sic] que les Français puisqu’ils nous avaient abandonnés, quand une bonne fille Belge vint à passer dans la rue et nos cris et nos angois[s]es lui permirent /

de nous entendre et elle s’approcha de nous. Aussitôt, cette brave fille alla nous chercher du bouillon, du lait, et passa la matinée à côté de nous pour nous donner ce que nous avions besoin en attendant que l’on vienne nous chercher. Mais personne ne vint, et vers 2 h. de l’après-midi, nous étions encore dans cette grange.
Après l’avoir sup[p]lié de faire son possible pour nous sauver, cette bonne fille vat [sic] chercher une charrette avec un matelas et des couvertures et quelques minutes plustart [sic], nous quittions cette brave fille et on nous emmenait vers Mondmédy [sic] où nous arrivions vers 5 h. du soir le dimanche 23 août.
Aussitôt arrivés, on nous me fait mon pansement et on me couche dans un bon lit. /

Quelle joie de savoir que j’étais sauvé et que j’allais pouvoir être bien soigné, surtout que l’on évacuait sur Sedan ceux qui pouvaient être transportable !
Malheureusement, je ne fus pas du nombre et je restais là, parmis [sic] les angois[s]es et les râles des mourants. Quelques minutes plus tard, j’avais le bonheur de voir mon Oncle et ma tante de Colmey et beaucoup d’amis du village qui c’[sic] étaient sauvés pour échapper au bombardement. La journée du 24 se passa très paisiblement, à part mes blessures qui me torturaient toujours ; le 25 de même. Le 26, nous avons la visite de 2 Allemands blessés qu’une patrouille cigliste [sic] du 165e avait mise en déroute vers 10 h. du matin.
Un d[’]eux est mort dans l’après-midi, [un blanc] la même chose quand le soir, nous apprenons que le bataillon quittait la ville et /

devait se rendre à Verdun. Tout cela ne nous donnait pas courage car nous étions persuadés que les Allemands avançaient toujours. Ce n’était que trop vrai car le [29]e, nous avions la visite des premiers officiers bôches [sic].
C’était fini, nous étions tous priso[n]niers car à midi toute la ville de Mondmédy [sic] était remplie de cette sale graine.
Heureusement que nous étions soignés par de braves dames et demoiselles de la ville qui ne nous quittaient pas, de peur que nous nous découragions. Il y avait bien de quoi, car se voir en France et être obligé de se soumettre aux volontés de ces sales rosses !
On aurait bien essayé de fuir, mais à peine étaient-ils arrivés qu’ils nous disaient que celui qui essayerait de fuir serait fusillé. Il fallait donc se résigner à tout.
Nous restions là jusqu’au dimanche 6 septembre, mais ça ne pouvait  /

continuer car ils étaient trop jaloux de voir que les Français nous soignaient si bien. Ils nous embarquaient donc le même jour à 3 h. de l’après-midi, et nous requittions encore la France de nouveau.
Vous pouvez croire que j’avais le cœur bien gros quand nous avons pris l’embranchement pour la Belgique à Ecouviez car je ne savais quand j’aurais le bonheur de revoir notre pays si dévasté, et la preuve c’est que je ne le sais pas encore.
Nous traversons une partie de la Belgique, le Luxembourg. Là, nous fumes très bien accueillit, car malgré la nuit, les Luxembourgeois se trouvaient à la gare avec des provisions de toutes sortes, même de l’argent.
J’aurais encore volontiers essayé de fuir mais toutes tantatives [sic] étaient inutiles, toute la gare était pleine de soldats. Après avoir /

fait une halte d’environ une demi-heure, le train se remet en marche et nous emmène enfin vers cette grande Allemagne, c’est-à-dire à Thionville, une des premières villes frontières.
On me déchargeait du Wagon pour m’emmener dans un hôpital. Ce n’était pas sans mal car j’avais les reins broyés d’être couché sur mon estomac et surtout presque sur la planche, car nous n’avions presque pas de paille. Enfin, c’est la guerre…
Je passe donc la journée du 7 à Thionville lorsque vers 4 h. je suis désigné à aller plus loin. On me rembarque donc à 5 h. où j’arrive à Speÿer le lendemain à 1 h. de l’après-midi. Cette fois, j’étais fixé.
On me conduit sur un brancard dans une [sic] hôpital et j’en suis sorti l’orsque [sic]  j’ai été complètement guéri pour venir /




au camp de Rastatt que je vous ai signalé dès le début de mon petit roman. Maintenant, je suis avec beaucoup de camarades du pays et des environs, et nous n’attendons plus qu’une chose : c’est le retour et le plus vite possible, vu la bonne nourriture que l’on nous procure et surtout les rares nouvelles que je reçois de chez moi.
Voilà donc à quoi je passe mon temps pendant ce triste emprisonnement avec le grand Espoir qu’il se terminera bientôt.
Fait au camp des prisonniers de Darmstatt pendant la campagne de 1914 – 1915.

Hacquard Jean, caporal 120e de ligne, 11e compagnie. Stenay. Meuse. /


Noël du captif

Noël, Noël ! Je songe à ma patrie lointaine.
Qu’elle [est] triste cette grande plaine,
Où, sous l’œil des exécrés Allemands
Je pense à mes chers parents,
A mes sœurs chéries, à mes chers amis,
A toi, clocher joli, auprès de la forêt endormie,
L’on doit chanter minuit.
Et la neige étend son blanc manteau,
Nous faisant fris[s]on[n]er comme au seuil du tombeau.
Triste, triste Noël !
Mais haut les cœurs quand même,
Car c’est pour toi, Ô France chérie,
Que nous sommes tous ici.

Fait au camp des prisonniers de Darmstatt dans la nuit de Noël, le 24 décembre 1914.
Léonce Clarys , Hacquard Jean. /




L’heure a sonnée [sic]
1e Couplet
L’heure a sonnée, inclinez-vous casques pointus,
Toute notre armée à la frontière est accouru[e]
Par vos menaces vous êtes maudits de vos voisins ;
Pour vous chasser, voiez-les [sic] la main dans la main.
Vous vous disiez « bien fragile, la triple entende [sic] »
A ce sujet votre nation fut bien contente.
Mais détromper-vous [sic] car nos petits pioupious
Sont là devant vous.

Refrain
L’heure a sonnée, vos bravades, vos fanfaron[n]ades
Sont sans succès et le monde entier vous regarde.
L’heure a sonnée, écoutez, nos canons font rages [sic] 
Et nos épées saurons [sic] supprimer les lâches.

2e Couplet
Vos procédés sont monstrueux et inhumains,
Vous fusillez des innocents, des Alsaciens, /
Comme des sauvages pilant tout, ne respectant rien,
C’est un carnage que l’on trouve sur votre chemin.
Peuples barbares raffinés dans l’atrocité,
Vos étendards disparaîtront de l’humanité,
Assassins farouchent [sic] devant nos cartouches,
Que la mort vous touche !

Au Refrain
3e Couplet
Très convaincu que rien ne pouvait vous résister,
Vous avez cru, en Belgique, de tout écraser,
Mais nos Popols ne sont pas des soldats d’cartons [sic],
Et de leur sol ils ont chassé tous vos démons.
Allons, Guillaume, pourquoi donc rester en arrière ?
En gentilhomme t’invite ici le roi Albert.
Il y a même des Anglais et des p’tits Français,
Pourquoi refuser ?

Au refrain
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Darmstadt, le 31 janvier 1915. /




Guillaume 2 roi de Prusse
1e Couplet
Pour chasser les barbares
Qu’ils [sic] veulent rentrer chez nous,
Pour chasser les barbares,
Français sans peur, debout !
Ne versons pas de larmes,
Fièrement prenons les armes.

Refrain
Si le canon gronde,
C’est pour notre liberté,
Liberté du monde,
Qu’on veut mas[s]acrer.

2e Couplet
C’est pour venger les mères,
Pour venger notre sang,
Que nous faisons la guerre
A l’Empereur des Tyrans.
Nous planterons ta tête /
Au bout d’une baïon[n]ette.

Au Refrain

3e Couplet
Guillaume 2, la choucroute,
Oui, nous la mangerons !
Et pour casser la croûte,
Nous mangerons tes jambons,
Nous irons boire ta bière,
Chez toi-même, en Bavière.

Au Refrain
4e Couplet
Guillaume 2 l’infâme,
Majesté des bandits,
Il faut rendre ton âme.
Par tous, tu es maudit,
Maudit par toutes les mères,
Maudit par toute la terre.

Au Refrain
5e Couplet
Guillaume 2 la brute,
Apache couronné,
C’est pour toi la culbute,
Tu seras détrôné. /
Demain, la République
Fermera ta boutique.
Au Refrain
6e Couplet
Guillaume 2 la crapule,
Voleur de grands chemins,
Tu rendras les pendules,
Tu nous rendras le Rhin,
Nos milliards et nos plaines
D’Alsace et de Lorraine.

Au refrain
7e Couplet
Guillaume 2 la canaille,
Oui, nous te saignerons !
Dans le fond d’une étable,
Comme on saigne un cochon.
Devant Nicolas et Georges,
Il faut que l’on t’égorge.

Au Refrain
8e Couplet
Pour toi, pas de cimetière,
Pour toi, pas de tombeau,
T’empoissonnerai [sic]  la terre ! /
Entends-tu, sale bourreau,
Pour que rien ne se perdre [sic],
On te foutera [sic]  dans la ………

Fin
Darmstadt, le 3 février 1915.
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Ma petite Française
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Après une journée sous l’soleil d’Afrique,
Nos soldats campaient près des Marocains,
Auprès du bivouac, s’donnant la réplique,
Ils étaient en rond, parlant du patelin.
« Moi, dit le sergent, quand cessera la guerre,
J’veux rester ici vivre en moricaud.
On a, si l’on veut, 4 ou 5 moukères,
De quoi oublier qu’il fait si chaud ».
Mais le petit soldat dit en se levant,
Fit le salut et dit en rêvant :
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Refrain ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
/
Ma petite Française
Qui m’attend labas [sic],
A des yeux de braise,
Effleure le lilas.
Elle est de Montmarthe [sic],
Tout près du moulin.
J’entends toujours son rire argentin.
Blaguez si vous voulez, les ga[r]s,
Dix moukères ne valent pas,
Thérèse, ma petite Française.

~~~~~~~2e Couplet~~~~~~~

Soudain dans la nuit du désert immense,
Les balles ont sifflées [sic], l’alerte est au camp.
Sous les plis flottant du drapeau de France,
A l’instant est fait le rassemblement.
C’est l’ennemi cruel est [sic] féroce.
« Quoi, dit le sergent au petit soldat,
On dirait ma foi que tu pleures, pauvre gosse !
C’est-y qu’ t’aurait peur d’aller au combat ?»
Mais le petit pioupiou qui serrait /
Contre ces [sic] lèvres un vieux portrait.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Refrain ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ma petite Française
Qui m’attend l’abas [sic],
A des yeux de braise,
Effleure le lilas.
Elle est de Montmarthe [sic],
Tout près du moulin.
Et j’entends toujours son rire argentin.
Quelques [sic] chose qui me dit tout bas
Que je ne la reverrai pas,
Thérèse, ma petite Française.

~~~~~~~3e Couplet~~~~~~~
On vient d’apporter sur une civière
Un soldat tout pâle et presque expirant.
Il a un sillon près de la paupière,
Et sur sa chemise un filet de sang.
L’Général est là, mordant sa moustâche [sic],
Sur sa tunique bleue, là, tout près du cœur,
D’un geste tremblant et doux il attache /
Le ruban des braves et la croix d’honneur.
Mais le petit pioupiou allait mourir,
On entendit dans un soupir.

~~~~~~~3e Refrain~~~~~~~
Ma petite Française
Qui m’attend labas [sic] a des yeux de braise,
Effleure le lilas.
Elle est de Montmarthe [sic],
Tout près du moulin.
J’entends toujours son rire argentin.
J’ai mérité la croix d’honneur,
Mais son baiser était meilleur,
Thérèse, ma petite Française.

~~~~~~~Fin~~~~~~~
Fait à Darmstadt le 2 mai 1915 avant le départ pour Breitenborn parmis [sic] les camarades.
Hacquard Jean, Caporal. /

Une 1e à Berlin
Le théâtre royal de Berlin
Offrait ce soir là aux fiers Prussiens
Un spectacle de gala.
Le traité de Frankfort était l’anniversaire.
Aussi, pour fêter à Berlin une première,
Une pièce allemande surtout,
Où l’on voyait des vainqueurs partout
Ecrasant l’Univers à la force de sa puissance
Les soldats d’Allemagne acharnés sur la Françe [sic].
La pièce s’appelait le siège de Paris.
Là, les Français étaient écrasés de mépris,
N’avaient pas assez de mots infâmes
Pour écraser leurs fils et insulter leurs femmes.
La Françe [sic] n’était plus qu’un pays de brigands,
Se débattant aux pires efforts extravagants.
Les soldats, des brigands, chaque armée une bande,
Mais du côté où règne la grandeur allemande,
Plus de voleurs, plus d’assas[s]ins.
Guillaume était un dieu, Bismar[c]k un petit saint. /
Plus de pillards, plus d’incendiaires.
La Françe [sic], pour le mal, était bien la première,
Et Bazaine à Strasbourg encore fumant labas [sic],
Avait été incendié par ces propres soldats.
Or, au moment de la pièce, un acteur,
Le geste insulteur avançat [sic].
De la remise et suprême bravade
Du pays des vainqueurs, lança cette tirade :
Françe [sic] enfin, nous te tenons,
Ton Paris n’ose plus broncher sous nos canons,
Tu tremble[s] toute entière en ta chute profonde.
L’Allemagne ne compte plus
Tes soldats si vantés nous les avons vaincus.
Nous les avons chassés à coup de plat de sabre.
Vainement, tu rougis de honte et de cour[r]oux.
L’Alsace nous appartient, la Lorraine est à nous.
Nous pouvons à pleine main river tes caisses,
Et river tes cracants ( ?) de détresse.
France [sic], terre pourri[e]
Dont la personne n’a pas soin de ses petits /
Va crever dans ton coin.
L’orsque [sic] resplendissant de ta cours impérial [sic]
Entouré de ta cour et de tes généraux,
A donné le signal de bravo,
Et que ce même cri de haine et de vengeance,
Avait secoué toute la salle criant « A mort, la France ! »
Un homme, d’un fauteuil du balcon, se leva,
Et jeta ce cri terrible : « Non, ce n’est pas ça !
Tu mens, sale Prussien ! Tu mens sale paillasse !
Vous mentez tous ! »
En regardant en face l’Empereur et sa cour,
Frémissant de cour[r]oux, Vous mentez tous !
La Françe [sic] vit encore,
Notre cure est immortelle, Paris
Méprise vos crachats et vous crache son mépris.
Ne parlez pas de gloire, ne parlez pas d’orgueil,
Vous avez volé chaque victoire.
Généraux et soldats par le nombre enhardis
Vous n’êtes tous que d’horribles bandits.
Qui se vantent d’avoir vaincu la Françe [sic]. /
E[s]t-ce toi Guillaume, qu’affole ta puissance ?
Toi, Bismar[c]k qui n’a pas un seul jour
Fait braver le danger sur un champ de bataille ?
Toi, le redoutable, qui de loin fait pleuvoir la mitraille ?
Vous, le prince que l’on ne connait pas,
Te faisant garder par cent mille soldats ?
Vous, des héros ? Allons, Alphonse, vos conquêtes
Sup[p]rime les casques et coiffe des casquettes !
Triomphe à Berlin, proclame[nt] vos héros,
Et pour le monde entier, vous n’êtes que des sots !
Régiments de bandits, bataillon d’[h]orlogers,
Vous rencontrent partout, sauf au danger.
Raçe [sic] de balcieurs (?) en espions fertile,
Paris marque aujourd’hui votre rage inutile,
Acréteur (?) de la Saxe, détiens (?) des Bavarois,
Vous voudriez le long de l’horizon,
Pour la Prusse vous cachez comme d’horribles méchant[s].
Mais prenez garde !
L’orsque [sic] vous rentrez, la vaste (?) vous regarde.
De chez nous, nous l’avons déjà joué la pièce /
Et trois millions de soldats que l’on presse, répète[nt].
Prenez garde !
La soif du lendemain les gagne.
Ils ont Berlin pour but et pour scène l’Allemagne,
Et recommenceront demain,
Pour vous jouer le siège de Berlin.
Rappelez-vous de l’hymne d’Allemagne en détresse,
Qu’alors sous les talons de nos fiers grenadiers,
Votre reine s’était mise à genoux
Pour demander grâce et pitié.
Ta mère elle-même, vieux Guillaume,
Aux portes de Berlin
En cachète [sic] suprême,
Aux portes de Berlin pour qu’il s’en éloigna
Venait baisé [sic] les pieds du vainqueur d’Yéna.
Ce que nous avons fait, nous le feront [sic] encore,
Vos murs reverront le drapeau tricolore.
La vengeance de nos fils ouvrira le chemin.
Songez à hier, prenez garde à demain !
La voix s’arrêta dans sa gorge. /
La salle bouillonnant comme une vaste forge,
On avait couvert son cri d’un long rugissement
Et fait appel à tout un régiment
Pour mettre à la raison ce Français fou d’audace.
Quatre gardes royaux l’entrainèrent de sa place,
L’écrasant aux pieds de leurs fureurs,
Gardé ainsi qu’un malfaiteur.
L’empereur effrayé du courageux Français,
Sur un signe de miel ( ?) fut fusillé.
Ah ! Va, Guillaume ! Rougi de sang ta tête blanche,
Pour une voix de moins ce grand cri de revanche
N’empêcha pas d’être poussé.
Il faut que nous l’aviyons [sic] l’effroyable passé.
Assez d’orgueil, assez de crimes,
A bas les assassins, place aux grandes victimes.
Guillaume cache-toi derrière tes canons,
Fait redoubler ta garde,
Nous venons pleurer sur tes lauriers,
Chanter sur ta puissance,
L’heure du jugement sonne /
Vive la France.

Fait à Breitenborn le 12 septembre [1915] par un ennui terrible.
Hacquard Jean, Caporal 120e de ligne
Stenay. Meuse.
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Calcul
 943872 -                  4832198 +
 892453                    5348321
 ______                  ________
1836325                    101805109
b                              b

                489536
                    2134
             _________
                1958144
              1468608
              489536
            979062
_________________
           1044669824
                         b







Colis reçu de ma chère Marraine
1 Colis tabac                                                16 Mars
1 Colis de vivres et vêtements                     22 Mars
1 Colis de vivres                                           29 Mars
2 Colis de pain et conserves                          3 Avril
1 Colis chocolat et biscuits, conserves       17 Avril
1 Colis chocolat et biscuits                         24 Avril
1 Colis conserves et biscuits                       24 Avril
1 Colis chocolat et biscuits                          5 Mai
1 Colis conserves Jeanne                              5 Mai
1 Colis effets                                                 6 Mai
1 Colis pains, conserves, sucre                   15 Mai +
1 biscuits, conserves                                   19 Mai
1 biscuits, chocolat, tabac                          12 Juin
1 biscuits, chocolat                                     12 Juin
1 biscuits pain d’épice, sucre                      12 Juin
1 colis biscuits                                             17 Juin
1 colis biscuits, confitures                          17 Juin
2 colis biscuits                                             22 Juin
1 colis biscuits Me S.                                    8 Juillet
1 colis pain, chocolat                                    8 Juillet
1 colis pain, chocolat                                  10 id.
1 colis pain, chocolat                                  2 h (?) id.
1 colis biscuit effets                                     id. id.
1 colis biscuit                                                6 A (?)
1 colis biscuit, chocolat                                     id.
1 colis biscuit, chocolat, conserves +           [illisible]
1 colis biscuit, chocolat                                 11 id.
1 colis Jeanne                                                 16 id.
1 colis chocolat, pain, serviettes [illisible]   19  20
2 colis biscuit, conserves                                     24
[Effacé] colis biscuit, chocolat, conserves + [illisible]





FIN DU CARNET



Cette publication, ainsi que la série des "Portraits de Soldats de la Grande Guerre" ont reçu le Prix de l'Education Citoyenne 2018 ainsi que le Témoignage de Reconnaissance d'Education Citoyenne 2018 (prix national) avec médaille de la part des Ordres Nationaux du Mérite et des Palmes Académiques, et de l'Association des Médaillés de la Jeunesse et des Sports, décernés le 28 juin 2018 à la classe de Seconde 11, et à mademoiselle Lisa Hacquard de la Première ST2S 1, à la préfecture de Nancy par monsieur Eric Freysselinard, préfet de Meurthe-et-Moselle et madame Mireille Pichereau de l'Ordre National du Mérite. 









Liste des élèves primés: 

AMBUHL Maéva                            Seconde 11
ARNAUTOU Juliette                      Seconde 11    
ATSOU Saïda                                   Seconde 11
BARTHET Julie                              Seconde 11
BINET Thomas                                Seconde 11
CALIGARA Tony                            Seconde 11
COULOMBE Gabriel                     Seconde 11
DE MATTEIS Margaux                  Seconde 11
DUBOIS Lila                                    Seconde 11
GREEN-STEFANI Maé                  Seconde 11
HACQUARD Lisa                           Première ST2S 1
HENRIOT Emilie                            Seconde 11
IOOS Mina                                       Seconde 11
JOB Manon                                      Seconde 11
LECARME Mehdi                           Seconde 11
MARECHAL Lorraine                   Seconde 11
MICHEL Mélissa                             Seconde 11
PENNEQUIN Maëva                       Seconde 11
PERNOT Lisa                                   Seconde 11
PIMENTA Evaëlle                            Seconde 11
QUEVAL Clara                                Seconde 11
ROCHA ALVES Cybel                    Seconde 11
ROPINSKI Lymné                           Seconde 11
ROYER Kévin                                  Seconde 11
SALZARD Louise                            Seconde 11
SCHRAM Léna                                Seconde 11
SIERZCHULA Frédérique             Seconde 11
SMOUTS Robin                               Seconde 11
TERRAGNI Sarah                           Seconde 11
THIEBAUT Laura                           Seconde 11
THIESSELIN Madison                    Seconde 11
THOMAS Eva                                   Seconde 11
VAUCLAIRE Adeline                      Seconde 11
VERON Lucie                                   Seconde 11
VICHARD Enora                             Seconde 11
ZEIMET Marine                              Seconde 11


Le professeur d’histoire et de géographie
Jérôme Janczukiewicz