vendredi 29 juin 2018

LE SERVICE MILITAIRE SOUS LA IIIe REPUBLIQUE 1870 - 1940


LE SERVICE MILITAIRE SOUS LA IIIème REPUBLIQUE


1870 - 1940

Prologue: un rappel des grandes lois militaires.


Une belle photo de cavaliers de la classe 1895, prise par un photographe de Tours, au 5ème Régiment de Cuirassiers, 4ème Escadron, 2ème Peloton. On remarquera les différentes tenues et tout l'équipement qui est présenté : cuirasses et casques, revolvers Lebel mle 1892, mousquetons Berthier, sabres, lances avec fanion, plus les étriers et mors. Collection particulière.


Le service militaire constituait un des piliers de la IIIe République, chaque jeune garçon âgé de 20 ans devant consacrer plusieurs années de sa vie à la défense de la France. Il était un des "creusets" qui permettait à des classes sociales différentes de se côtoyer dans les camps et casernes. Le service militaire, enfin, établissait une proximité entre le monde des civils et l'armée, tant par l'implantation des casernes dans les centres urbains que par la présence physique des soldats qui traversaient les villes pour aller en manoeuvres, souvent accompagnés par des enfants, des passants qui les saluaient.

Soldats du 69ème RI avant la Guerre de 14-18, avec les guêtres blanches.


Un groupe d'artilleurs dans les années 1930

La classe de PS 3 a retracé cette histoire du service militaire sous la IIIe République en présentant une série de photos et de cartes postales illustrant les différents aspects de la vie des conscrits, depuis leur départ jusqu'à leur libération.



Conscrits de la classe 1903 servant au 156ème Régiment d'Infanterie (Toul).


Tous les documents présents dans cette étude font partie de la collection de leur professeur d'histoire : si le lecteur veut les réutiliser, qu'il mentionne simplement le site du lycée.



Et avant la IIIe République ?


Les jeunes garçons âgés de 20 ans étaient considérés, depuis la loi Jourdan de 1798, comme des soldats devant participer à la défense de la France pour une période de cinq ans: "tout Français est soldat et se doit à la défense de sa Patrie".

Après les guerres de la Révolution et de l'Empire, la conscription fut abolie par la Charte de 1814 puis rétablie avec la loi Gouvion-Saint-Cyr du 10 mars 1818 dont les dispositions durèrent jusqu'en 1872. En bref, l'armée recrutait ses soldats sur la base de l'engagement volontaire et par tirage au sort pour compléter les effectifs, pour une durée de 6 à 8 ans pour les engagés volontaires (période réduite à 7 ans par la loi Soult de 1832), 6 ans pour les appelés. 

Tout jeune garçon âgé de 20 ans, inscrit sur la liste du canton, devait tirer au sort un numéro, comme ici, en septembre 1837, Pierre Agricol Goubaud, qui avait tiré le numéro 71, ce qui  l'obligeait à aller au conseil de révision à Orange (Vaucluse). En effet, tous ne partaient pas au service militaire car l'armée avait un besoin annuel en hommes assez réduit, le service militaire étant d'une durée de 6 ans !  

Certains avaient tiré un "bon numéro" et étaient exempts de service militaire, d'autres, comme Pierre Agricol Goubaud, un "mauvais numéro" et devaient partir après un examen du conseil de révision.





Pour les "malchanceux", il y avait deux solutions: soit trouver un remplaçant moyennant finance, ce que pouvaient se permettre les enfants de la bourgeoisie, soit bénéficier d'une dispense. Pour le remplacement, un contrat était dressé entre le conscrit et son remplaçant. 




Par exemple, le 9 décembre 1854, maître Collardeau, notaire à Givet, dans les Ardennes, établit l'acte suivant: Pierre Brajou, soldat au 15ème régiment d'Infanterie Légère, en garnison dans la ville, libérable au 31 décembre 1854, acceptait de remplacer Jean Réau, soldat de la classe 1853 dans le même régiment, meunier en Charente-Inférieure, pour les années de service militaire que ce dernier devait encore faire. Pierre Brajou devait se présenter devant les autorités militaires afin de leur faire connaître ce remplacement et toucher la somme de 2800 francs, versée par Jean Réau, et déposée à la Caisse d'Epargne de Givet, mais seulement après un an de garantie. Si le remplacement n'était pas accepté par les autorités militaires, le contrat serait considéré comme nul et Pierre Brajou ne toucherait rien. Le contrat comporte plusieurs signatures de témoins car Pierre Brajou, qui recommençait un service militaire comme remplaçant, ne savait ni écrire ni signer.

Les cas de dispense sont énumérés sur le document de Pierre Agricol Goubaud : avoir une taille inférieure à 1 m 56, être infirme, soutien de famille, être le frère d'un conscrit ou d'un soldat blessé en service, ou blessé ou tué lors des journées de Juillet 1830. Etaient aussi dispensés les élèves de Polytechnique, Centrale, les professeurs enseignant la langue des signes, les étudiants voulant devenir professeurs, les séminaristes et les lauréats de grands prix décernés par l'Institut ou l'Académie Française.


Un vétéran français de la Guerre de Crimée, arborant la médaille anglaise avec deux agrafes, la médaille militaire et la croix de chevalier de la légion d'honneur.


La loi Gouvion Saint-Cyr fut modifiée sous le Second Empire avec la loi du 26 avril 1855 qui portait la durée du service militaire à 7 ans, puis la loi Niel du 1er février 1868 qui abaissait la durée à 5 ans. Le remplacement, supprimé par la loi de 1855, moyennant le versement d'une somme destinée à payer les rengagements d'anciens soldats, fut rétabli en 1868. 

Sous la IIIème République, les conditions du service militaire changèrent profondément avec trois grandes lois:

- La loi Cissey de 1872 supprima le droit de vote pour les militaires (d'où le surnom de "Grande Muette" donnée à l'armée dont les membres ne retrouvèrent le droit de vote que le 17 août 1945 !) ainsi que le remplacement, avec un service militaire de 1 à 5 ans selon le numéro tiré, un "bon numéro" fixant la durée du service à 1 an, le "mauvais numéro" à 5 ans... 

- La loi Freycinet de 1889 supprima les dispenses accordées aux enseignants, étudiants des grandes écoles, séminaristes et la durée du service militaire passa de 5 à 3 ans. Le tirage au sort subsista mais le numéro permettait seulement de choisir son arme (infanterie, cavalerie, artillerie).



Deux souvenirs du tirage au sort (classe 1890 avec le n° 762 gravé à l'envers et la classe 1895)










- La loi Berteaux de 1905 supprima tout tirage au sort et toute exemption : tous les hommes étaient appelés pour un service militaire de 2 ans.



Des conscrits de la classe 1908 au 17ème Régiment de Chasseurs à Cheval, 2ème escadron, 1er peloton, posant avec un tableau richement décoré. Cliché Odinot, photographe à Nancy et dans les grandes villes de l'Est de la France.


Ici, ce sont les hommes du 11ème Régiment de Chasseurs à Cheval, du 5ème escadron commandé par le capitaine Morgand, qui posent à Vesoul le 15 juin 1911.


Des conscrits de la classe 1908, dans la 7ème batterie d'un régiment d'artillerie non identifié.


Un groupe d'artilleurs à Mailly en 1907, 8ème batterie, avec la mention "Villa des Fleurs". 


En 1913, le service militaire passa à 3 ans, puis après la Guerre de 14 - 18, en 1923, la durée habituelle du service militaire fut de 18 mois, puis passa à un an en 1926 avant de repasser à 2 ans en 1935. 

Après sa libération, l'appelé restait toujours un soldat potentiel durant une trentaine d'années, dans l'armée d'active, ensuite dans la réserve ou armée territoriale, avec des rappels réguliers pour des exercices militaires. Il ne recevait sa libération définitive que vers 45 / 50 ans et était alors dispensé de toute obligation militaire. Il obtenait alors son congé définitif, remis en échange de son fascicule de mobilisation (voir plus bas).

Voyons l'exemple de Camille Victor Paulin, classe 1894, numéro 202 du tirage du canton de Nancy - Ouest. Né à Nancy le 20 mars 1874, il habitait Paris où il exerçait la profession de graveur - lithographe. Il reçut un livret militaire, comprenant son état-civil, ses périodes d'instruction militaire, la liste de ses effets et armes, son niveau d'instruction générale, plus les dates de vaccination, le règlement militaire, les adresses successives. 

Il servit au 155ème Régiment d'Infanterie puis à l'Ecole Normale de Tir, ensuite il fut mis en disponibilité. Un certificat de bonne conduite lui fut alors attribué au camp de Châlons le 15 septembre 1898. Rappelé sous les drapeaux en 1904 pour une période d'exercices, Camille Victor Paulin fut finalement réformé le 7 juillet 1911. 



Quelques pages du livret de Camille Victor Paulin










Ses rappels et son certificat de bonne conduite







Autres modèles de documents militaires

Certificat de bonne conduite du sergent Louis Legardon, 8ème Régiment du Génie, au Mont Valérien, 8 novembre 1913.


Congé définitif pour Louis Petit, classe 1902, en 1932.


Le fascicule de mobilisation de Pol Millard




Le livret militaire de Pol Millard a conservé son fascicule de mobilisation (alors qu'il fut mobilisé le 7 août 1914 !), comprenant quatre pages cartonnées, et indiquant le lieu à rejoindre et l'unité (ici c'est un régiment d'artillerie de forteresse à Villey-le-Sec) ainsi que le jour du départ, les vivres à emporter, après l'annonce par affiches de la mobilisation.  


Il faut aussi noter que lors du déclenchement de la Première Guerre Mondiale en août 1914, des hommes âgés furent rappelés pour le service, en formant les G.V.C., Gardes des Voies et Communications, chargés de la surveillance des carrefours, gares et voies ferrées, de certaines usines. Ils avaient un képis avec un brassard et ils étaient armés d'un fusil Gras modèle 1874.


Tout un groupe de G.V.C. (ou G.D.V., Gardes des Voies) pose fièrement avec les fusils Gras au poste 10 de Branges (Saône-et-Loire) pour la "canpagne (sic) 1914". Certains hommes ont des uniformes complets, d'autres uniquement des képis avec le chiffre "56".



Le service militaire "égalitaire" ou "universel" fut donc institué sous la IIIème République, mais quelles en étaient les étapes ?



I- LES ETAPES DU SERVICE MILITAIRE.

Etape 1 : le départ des conscrits.

La traditionnelle photo de groupe des conscrits.


Les appelés de la classe 1900 de Malzéville, qui arborent le numéro de tirage au sort.


De jeunes gens de la classe 1920 (donc nés en 1900) avec leurs rubans et insignes. L'un d'eux, assis au centre, est déjà père de famille.


De très belles tenues pour ces conscrits alsaciens de la classe 1924, avec plumets, rubans, cannes et chopes de bière !

Ici, ce sont les jeunes hommes de la classe 1933 de Sélestat qui posent fièrement !

Une carte épinglée par les conscrits du 69ème RI, après le passage devant le conseil de révision.


Comme on peut le voir sur les cartes postales et les photos, le départ des conscrits donnait lieu à une fête. Les "appelés" épinglaient des rubans et des médailles sur leur casquette ou veste et se réunissaient pour faire la fête. C'était aussi l'occasion de prendre une photo de groupe. 








Quelques modèles d'insignes de conscrits


Faire son service militaire, c'était aussi la fierté de porter l'uniforme, souvent très décoré et voyant à l'époque. On était désormais "un homme", un objet d'admiration, car l'armée avait beaucoup de prestige.

Une famille lorraine au début du XXè siècle.



Roger Thomassin, cavalier au 18ème régiment de chasseurs à cheval (sans date ni lieu).


Louis Mengin est content de se montrer en uniforme de chasseur !

Après le service militaire, les anciens conscrits pouvaient se retrouver au sein d'associations, comme ici à Malzéville, près de Nancy, pour la classe 1928. Des bals étaient aussi organisés.





Etape 2 : fêtes et sociabilité.


Ces fêtes se poursuivaient, de façon différente, à la caserne, avec les permissions, les "chahuts" dans la caserne et surtout le Père 100 adopté aussi par les lycéens ... 

Le départ en permission au camp de Mailly, sous la surveillance des gendarmes.


Une joyeuse fête bien arrosée pour ces soldats de la classe 1934 !


Encore de joyeux drilles. Sur la pancarte :"C'qu'il nous manque : une femme, un litre".




"Dédé", qui fait son service militaire dans un régiment de cavalerie, en 1931, pose avec ses camarades dont certains arborent un sabre. Il s'est blessé et trouve que le temps passe lentement.


Le 1er janvier 1929 dans une caserne.



Le Père 100 !




L’enterrement du Père Cent était une tradition des « appelés » qui fêtaient les 100 jours avant leur libération de leur service militaire. Ils en profitaient envoyer des cartes postales à leur famille afin qu’elles leur envoient de l’argent pour fêter cet « enterrement » qui était très arrosé et joyeux. Cet enterrement est représenté ici avec un des soldats jouant le rôle de prêtre, tenant un livre, et une croix (en fait c’est une clé) est située juste en dessous de lui, posée sur un cercueil. Il est également entouré de bouteilles sur lesquelles sont posées des bougies, ce qui fait office de cierges. 

Cette photo a été prise en 1925 en Syrie, à Hamas, par un soldat du 521ème R.C.C. (Régiment de Chars de Combat) puisque nous pouvons voir sur un carton la phrase « Les anciens de la 25 - en souvenir du Père Cent Syrien ». Les tankistes sont reconnaissables grâce à leur béret et leur blouson de cuir. On peut voir derrière les hommes, la tourelle d’un char Renault FT 17 sur lequel il est écrit « Mister Bob » et les chenilles d’un autre char sur la droite. Cette carte postale a été envoyée par un certain Marcel Breine. La fin du service militaire portait le nom de « la Quille ». 



Un joyeux Père Cent fêté par des artilleurs en 1935 ! On remarquera les obus sur lesquels sont plantées les bougies ...


Un autre Père Cent fêté à Sissonne avec une parodie d'enterrement !


Etape 3: la libération !

Plus qu'un jour avant la fin du service militaire pour le dénommé Henri ! On remarquera qu'au début du XXème siècle, la fin du service militaire s'appelait la "fuite", terme que l'on retrouve dans d'autres lettres ou cartes.

La fin du service militaire est aussi célébrée, ici le 20 février 1922 avec le départ de Brienne-le-Château pour ces anciens de la classe 1920, du 156ème R.I., qui se font photographier en tenue de combat. Les "libérables" sont équipés du mousqueton Berthier Mle 1892.


Au Fort de Charlemont (Ardennes)


Au début du XXème siècle, les hommes doivent obligatoirement effectuer un service militaire. Celui-ci dure 2 ans, jusqu'en 1913, date à laquelle il passera à une durée de 3 ans. Nous étudieront l'exemple du fort de Charlemont, qui domine la ville de Givet, dans les Ardennes, et plus précisément le mode de vie et le quotidien des soldats, leurs activités, leurs loisirs, lors de leur service.






Ici, un moment de détente chez un sergent: on prend le thé dans une pièce décorée avec des gravures, servis par un soldat de 2ème classe.


Nous pouvons également voir sur ces photos le travail effectué par les soldats, ainsi que les diverses taches réalisées par eux-mêmes : couture, cordonnerie ...







Un réveil difficile pour le sergent Malaise ... chahuté par ses camarades...




A l'époque, les soldats se réchauffaient à l'eau-de-vie, même en étant de garde ...






Comme on peut le voir sur ces photos, chaque compagnie du fort possède ses cuisiniers et chaque bataillon son infirmier. On observe que la photo a été prise dans la cuisine car on voit des grosses casseroles blanches derrières les cuisiniers qui portent un chapeau plat et un tablier. Tandis que derrière l’infirmier, qui porte une croix sur son bras gauche, on remarque deux grandes plaques de cuisson et une balance au plafond. Quand on voit la quantité de casseroles et de la taille des plaques, on comprend que les cuisiniers avaient beaucoup de travail et devaient nourrir beaucoup de soldats. Cependant les conditions de vie ne devaient pas être faciles car on peut voir que les cuisiniers sont couverts de graisse. Le manque d’hygiène était donc assez présent lors de leur service militaire.




L'instruction se poursuit avec les élèves caporaux, sous la direction des sergents.





Comme nous pouvons également le voir sur cette photo, malgré leurs conditions de vie difficiles et le peu de confort, qui peut être observé à travers la tapisserie en très mauvais état sur les murs, les soldats réussissent à s’amuser. Ici, ils font semblant d’être des personnes non instruites, comme le prouve l’annotation au dos de la photo « Les Illetrés (sic) de la 10è compagnie » et posent donc dans une pièce aménagée en salle de classe avec des bancs, des livres et un tableau noir. Sur ce dernier est inscrit divers chiffres qui nous laissent penser à une leçon de calcul, ainsi qu’une date « le 6 Février 1911 ».





La traditionnelle bataille de polochons dans la chambrée. On remarquera le fusil Lebel sur le lit.





Un peu de détente au piano...




L'adjudant Woetzel du 148è Régiment d'Infanterie, avec son chien "Crapule", sans doute une mascotte.


Ainsi, ces quelques photos restituent de façon très vivante le service militaire dans le fort de Charlemont avec ses servitudes (garde, entraînement, travail dans les ateliers ou en cuisine) mais aussi ses aspects plus agréables avec des plaisanteries entre camarades et une vie sociale avec des rencontres autour d'un thé ou devant le piano.



II - LA VIE MILITAIRE.

1) L'entraînement militaire.


De nombreuses cartes postales permettent de voir en quoi consistait l'entraînement militaire, base du service, car le but était de faire de ces jeunes garçons des soldats. Cet entraînement a varié selon les époques et l'arme (infanterie, cavalerie, artillerie) dans laquelle l'appelé était versé.



Un défilé du 17ème Bataillon de Chasseur à Pied à Rambervillers après le tir en 1914. On remarquera les badauds et les enfants qui regardent passer les soldats.



La charge à la baïonnette en 1910 ! C'était la tactique choisie par l'armée française avant 1914, avec une charge en formation groupée, la rapidité des soldats et le choc devant terrasser l'ennemi...


Le maniement d'un canon de forteresse de 90, sans doute à Toul, avant 1914.

Même exercice en 1909...


Un bivouac dans la forêt pour ces hommes du 156ème Régiment d'Infanterie



Le bivouac au camp de Mailly en 1935

La photo a été prise dans un camp militaire, à Mailly en Champagne, en 1935.  Les hommes ne portent pas une tenue stricte contrairement à la photo suivante. En effet, ils sont vêtus d’une simple chemise ouverte, de maillot de corps noir ou encore de t-shirt. Certains portent même un couvre-chef qui semble être d’une qualité moyenne. Il doit être aux environs de midi car le temps est clair, même un peu brumeux. Ils sont en train de manger dans des sortes d’écuelles ou de boire (sûrement du vin, boisson courante dans les casernes). Ils semblent être heureux de se « rassasier le gosier ». L’homme qui a envoyé cette carte a fait une croix au-dessus de son visage afin de sans doute se souvenir de ses années de service militaire et aussi d’indiquer à sa famille où il était. Nous connaissons son identité car il a écrit son nom au dos de la carte : « Robert Chappet ». Au second plan, le camp est visible. En effet on peut voir des tentes blanches qui ressemblent fortement à des tipis. Il y a une sorte de cheminée en haut – sûrement faite avec un bout de métal – qui permet d’aérer l’air par temps chaud ou alors quand la tente est fermée. Cette photo prise sur le vif, traduit l’union des soldats et les bons moments qu’ils réussissaient à passer ensemble.




Le maniement des canons à Lyon en 1905

Cette carte postale envoyée en septembre 1905 de Lyon pour St Dié, représente le 16ème bataillon d’Artillerie à Pied qui est une unité militaire, servant dans une forteresse, qui déplace manuellement les canons. Ici, c’est un nommé Charles Pousse, servant dans ce bataillon, au fort de la Vitriolerie, qui a expédié cette carte postale en septembre 1905. Ces militaires portent des uniformes d’artilleur et ont formé des faisceaux c’est-à-dire un groupement d’armes avec des fusils entrecroisés ; ils portent également des lourds sacs à dos contenant leur matériel. Nous pouvons également observer des canons Bange de gros calibre sur la gauche.
Nous pouvons également remarquer, en arrière-plan, un poste de surveillance, composé d’une échelle télescopique qui permet de vérifier l’éclatement des obus et l’arrivée des ennemis.  
La carte postale permet de partager de loin un moment avec ses proches, ici cela permet de montrer le déroulement d’un entraînement militaire et ses différentes facettes.  


Encore de l'artillerie avec le canon de 75.


Au camp de Mailly, les soldats posent à côté d'un obus de 370 (à gauche) et du gigantesque obus de 520 (au centre), le plus gros calibre de l'armée française depuis 1917.


Ici, les soldats ont construit un pont mobile sur une rivière (carte postale de 1911). On remarquera les gilets de sauvetage de l'époque.


Au camp de Châlons, le nommé Chevalme a fait du tir à la cible et a pu voir le dirigeable.


Les corvées ! Ici, il faut ramasser le crottin de cheval...


Enfin, nous avons la photo des corvées, moins protocolaire. Elle présente quatorze hommes posant avec des pelles autour d’une sorte de grange pour accueillir des animaux tels que des chevaux. On peut voir des chaînes au second plan qui servaient sûrement à les attacher. Les corvées font parties de la vie des soldats de la cavalerie : ici il faut balayer et ramasser le crottin des chevaux. Les trois officiers portent des képis ainsi qu’une tenue plus élaborée et mieux entretenue. Il y a par exemple des bottes et des gants en cuir, ainsi que des écussons. Tandis que les autres arborent un physique beaucoup plus négligé : leur pantalon semble poussiéreux et leur chemise pour certaines sont mal boutonnées. Les signes d’affection comme les mains posées sur les épaules, indiquent la franche camaraderie qui unit ce groupe de soldat.


La corvée de pommes de terre au 89ème RI (avant 1914)

Les aérostiers doivent aussi éplucher les pommes de terre, ici à Coblence le 20 mai 1925.


La corvée de pommes de terre est aussi le souvenir envoyé du camp de Wahn, en août 1925, par le nommé Charles qui servait dans l'artillerie.


Toujours des pommes de terre à éplucher, la cour à balayer, le repas à préparer...


Ici des "vétérans" de 1933 remuent la terre ...


N'oublions pas la cuisine, comme ici au 148ème RI. On remarquera les grandes louches et passoires. A gauche, le soldat qui tient le couteau a inscrit à la craie :"12 et la fuite". Le numéro à la craie est donc le nombre de jours restant avant la fin du service militaire.


Le pansage des chevaux dans une unité de cavalerie.

Un beau rassemblement des troupes sur le terrain.


Le tir au fusil.


Cette photo présente un bataillon d’hommes dans une posture plutôt sérieuse. En effet les soldats sont entourés de leurs supérieurs – en tenue plus sombre – et tiennent des armes. Il s’agit d’un mousqueton Berthier, une arme légère utilisée par les soldats à partir de 1892.  On peut aussi voir les baïonnettes accrochées à la taille des soldats, baïonnettes qui étaient ajoutées sur le canon de l’arme. Afin de parfaire leur protection, les soldats du bataillon d’infanterie portent un casque. Leur visage est fermé même si quelques hommes laissent échapper un sourire. Leurs vêtements blancs, qui recouvrent l’uniforme, sont caractéristiques des périodes d’entraînement, ce qui permet d’indiquer leur niveau de formation (le service militaire durant un an et demi à cette époque). Nous pouvons apercevoir au second plan, derrière les soldats la caserne se dessiner. Même si elle n’est pas identifiable elle donne une idée des conditions de formation de ces soldats.




L'Artillerie Lourde sur Voie Ferrée (A.L.V.F.) permettait de prendre des photos impressionnantes, notamment pour le soldat qui se glissait dans la bouche du canon de 400 mm, ici à Mailly !


Groupe de soldats du 26ème Régiment d'Infanterie de Nancy, en tenue de combat.


Toujours la fierté de porter une arme, ici le fusil Lebel Mle 1886, pour ces soldats du 22ème Régiment d'Infanterie.


2) Camps et casernes.

De nombreuses cartes présentes les différents camps et casernes dans lesquels les appelés étaient logés, montrant ainsi les conditions de vie. Elles montrent aussi le lien entre le monde des civils et les militaires : les soldats étaient très populaires et les défilés suscitaient beaucoup de curiosité et d'enthousiasme surtout chez les enfants; les passants venaient regarder les soldats et les saluaient. La vie de caserne avait aussi un aspect social avec la vie en collectivité lors des repas communs, des corvées ou dans la chambrée.


Les chambrées !



Deux chambres avec ses occupants; la première avant 1914, la seconde en 1937. On remarquera les lits de fer et les étagères avec les sacs, valises et le linge.



Divers aspects de la vie de caserne



Une carte colorée montrant un artilleur du 6ème Régiment d'Artillerie à Pied de Pagny la Blanche Côte dans la Meuse, avec tout le matériel utilisé (1910).


La caserne du 4ème BCP à Saint-Nicolas-de-Port avec la basilique en arrière-plan.


Le 9ème BCP de Longwy avant 1914 avec sa compagnie cycliste et la caserne.

Passage du 26ème R.I. à Nancy avant 1914.



Une belle carte colorée, estampée, montrant un soldat et la caserne Landremont à Nancy (37ème R.I.).

La caserne Thiry à Nancy avec la foule à la grille.


L'impressionnante caserne du 8ème Chasseurs dans la citadelle d'Amiens

La boulangerie du camp de Mailly.




Les repas en commun à la cantine. Dans la seconde carte, on pourra lire les plaintes du conscrit sur les longues marches...



La camp de Mourmelon (carte de 1931).


Le camp de Sissonne


Le camp de la Courtine (Creuse).


Le quartier Rougé à Givet, la plus longue caserne de France à l'époque.


La caserne Charbonnier à Givet.


Humour militaire.

Le service militaire était aussi l'occasion d'envoyer des cartes postales humoristiques soulignant son côté ennuyeux, avec les gardes, ou les repas assez répétitifs composés de "fayots"...


Encore 517 jours à attendre avant la libération pour Gabriel Mahaut de la classe 1928...


Sans commentaire ...


III- SOUVENIRS DU SERVICE MILITAIRE.

Les photos de groupe


Les appelés envoyaient souvent à leur famille une photo de groupe montrant les "copains" du régiment. Ces photos sont aussi intéressantes car elles montrent le détail des uniformes et de l'équipement du soldat, ainsi que des unités aujourd'hui dissoutes identifiables grâce au numéro de col. 

Ainsi on peut voir les différents uniformes des fantassins, de 1904 (ils ont encore des guêtres) à la fin des années 1930; les armes (mousqueton Berthier Mle 1892, fusil Lebel, fusil Berthier 07 - 15 Mle 1916, mitrailleuse Hotchkiss...), les insignes. Ce qui est frappant est la tenue blanche pour l'entraînement ... 

Avant 1914, des soldats ont souvent inscrit un numéro sur leur uniforme, avec de la craie: il s'agit du nombre de jours restant avant la fin du service militaire (nous pensions d'abord qu'il s'agissait du numéro pour récupérer la photo...).


Florent Moreau, 37ème R.I., avec ses camarades à Nancy (1911)



Une pause pour ces fantassins d'un régiment non identifié (avant 1914).


Sur cette photo on voit 6 « cuistots » qui posent pour une photo de groupe. Ces soldats font partie de la Compagnie de Mitrailleurs 1. Au premier plan, un cuisinier fait le « rigolo » en faisant exprès de jouer de la guitare avec une grande louche. Il est habillé en noir avec une chemise ouverte. A l'arrière plan, il y a 5 cuisiniers qui sont tous habillés en blanc avec une ceinture à la taille pour maintenir le tablier, et ils ont soit un bonnet soit une toque. On peut voir par leur habillement que la cuisine n'est pas très propre car leurs, pantalons sont très sales. Sur la photo on peut voir un homme ayant un insigne de caporal chef, on pense donc que c'est le chef des cuisiniers.





Des photos de groupe traditionnelles, la dernière étant prise au Camp de Mailly en 1929.


De belles tenues neuves pour ces soldats dans les années 1930.


Les tenues blanches pour l'exercice et les corvées (avant 1914).



Le camp de Châlons en 1908, avec des soldats du 46ème RI. Il reste encore 1020 jours "et le rab" pour l'un d'entre eux, au centre de la photo...


Une belle photo du 3ème Bataillon de Chasseurs à Pied (avant 1928).


Le 11ème Régiment du Génie à Epinal en mars 1927 (carte recto et verso). Le prénommé Etienne a trouvé un bon filon en passant dans le service auxiliaire ...



Le camp de Mailly avec des soldats français et aussi coloniaux, maghrébins et noirs

Fantassins du 155ème R.I., dans les années 1930, équipés de fusil Berthier 07 - 15 Mle 1916.


Groupe de fantassins au camp de Bois l'Evêque près de Toul en 1909.


Une très belle photo de groupe du 170ème R.I. en 1907


Fantassins du 37ème R.I. le 17 juin 1914...


Des cavaliers à Belfort, en 1910, où le service militaire, selon l'expéditeur de la carte, était tranquille. Ces cavaliers sont des hussards portant le chiffre 7 sur le col.


Un bivouac au camp du Bréau (Fontainebleau) en 1907 pour ces hommes du 23ème Colonial dont Auguste Laquenaire (debout à droite) dont nous avions relaté l'histoire dans l'article du 18 décembre 2016.


Soldats du 158ème RI (Lyon) avec deux mitrailleuses Hotchkiss, dans les années 1930.


Soldats d'un régiment non identifié avant 1914. Certains d'entre eux arborent de petites gourdes accrochées à leur uniforme.


Un régiment "colonial" avec des soldats français portant la chéchia.


Dans cette unité, non identifiée, les soldats portent aussi la chéchia.


Une unité non identifiée (un chiffre 10 est visible sur les képis des officiers) .


Soldats du 68ème RI à Issoudun en 1906. Sur la droite, un soldat porte un petit chien sur son épaule.


Soldats du 124ème R.I. avant 1914.





Paul Lurot lors de son service au 14ème Chasseurs.

Photo de groupe du 155ème Régiment d'Artillerie (années 1930)


Des cavaliers (hussards) en 1913.




Photo prise lors de la corvée de pommes de terre en août 1914


Artilleurs du 39ème Régiment d'Artillerie de Toul avant 1914. Il reste encore 431 jours à Ernest Voison, de Frouard, qui écrit à sa mère en envoyant "sa gueule".

Toujours le 39ème R.A. de Toul; un copain de régiment écrit à Ernest Voison.


Sur la photo de groupe, il y a 11 soldats qui posent devant une tente et la mascotte, un chien. Ces soldats font parti du 39ème Régiment d'Artillerie basé à Toul. Certain sont en tenue d'exercice, d'autres en tenue de combat ; ceux en tenue de combat tiennent leur arme, ce sont des fusils courts ou mousqueton Berthier Mle 1892 avec une baïonnette. Un soldat en tenue de combat est sur un vélo. C'est le vélocipédiste de ce régiment. Nous avons pu déterminer le régiment dans lequel étaient ces soldats car sur leurs casquettes il y a inscrit le numéro 39. En ce qui concerne la tenue de combat, elle est composée de grandes bottes avec un pantalon noir, une veste avec une rangée de boutons. Par contre en ce qui concerne les tenues d’entraînement, on voit un soldat porter un clairon et un autre un sabre. La tenue d'entraînement est entièrement blanche, elle est utilisée pour ne pas salir l'équipement de combat.





René Lurot lors de son service militaire. Les soldats, du 146ème RI, ont un fusil Berthier Mle 1916. 


Deux cartes postales envoyées par Edmond Sigrist à son frère André. Une en 1904, au 94ème R.I., la seconde le 10 novembre 1914 lors de son incorporation au 26ème R.I. pour partir à la guerre.


CONCLUSION


La dernière carte, avec Edmond Sigrist, montre bien que le but du service militaire était de donner une formation de soldat aux jeunes Français, avec le risque de sacrifier un jour sa vie comme ce fut le cas en 1914 - 1918 et en 1939 - 1940.


Le 12ème régiment de chasseurs à cheval, 12ème escadron, 3ème peloton, en septembre 1914. Le capitaine, au centre, est décoré de la légion d'honneur et de la médaille du Maroc; il tient un journal appelé "La France".

Ici, ce sont les jeunes conscrits de la classe 17, les "jeunes Poilus" du 169ème RI, 14ème escouade, qui posent avec le caporal Fournanty à Pithiviers (Loiret) le 6 mars 1916. 


Après 1945, le service militaire évolua avec encore la Guerre d'Algérie (1954 - 1962) où la durée passa à 36 mois puis elle fut finalement ramenée à 12 mois puis 10 mois. Le service devint national et non seulement militaire car les missions des appelés se diversifièrent avec la coopération, des missions à l'étranger, les fonctions de scientifiques du contingent ... On pouvait faire son service sans rester dans une caserne.

Finalement, en 1996, le président Jacques Chirac décida de "suspendre" le service national, en raison de son coût élevé et de la sophistication de plus en plus grande du matériel dont la maîtrise n'était plus possible en 10 mois. La Guerre du Golfe, en 1990 - 1991, avait aussi posé de gros problèmes à l'armée française car les appelés ne furent pas envoyés en Arabie Saoudite : pour constituer la Division Daguet (12 000 hommes), il fallut prélever les soldats professionnels dans de nombreux régiments afin de former cette nouvelle unité, ce qui désorganisa complètement les régiments constitués, "appauvris" en hommes et en matériel. La voie de la professionnalisation de l'armée était donc préférable pour monsieur Chirac.

Il faut aussi reconnaître qu'au début des années 1990, un jeune appelé sur trois ne faisait pas son service militaire car l'armée n'avait pas besoin de tout le monde et que le service était aussi très variable avec de "bons postes" comme scientifique du contingent et des postes moins enviables et très ennuyeux avec des corvées de balayage ou de peinture...

Le service national des années 1990 ne ressemblait plus du tout à celui de la IIIème République qui mélangeait les classes sociales pour un temps assez long (même si les officiers étaient issus des classes aisées) et sa suppression a créé une coupure entre le monde militaire et le monde civil : on ne voit plus les soldats passer dans les villes sauf ceux de l'opération Sentinelle, les civils connaissent assez mal l'armée malgré la JDC. 


Classe de Première S 3, sous la direction de Jérôme Janczukiewicz, professeur d'histoire (et classe 93/08 au 1er Régiment du Train, Caserne Mortier, à Paris, en 1993 - 1994 !).



De jeunes soldats dans les années 1930.


Cette étude a reçu un Prix de l'Education Citoyenne 2018 décerné par les Ordres Nationaux du Mérite et des Palmes Académiques, et l'Association des Médaillés de la Jeunesse et des Sports le 28 juin 2018, attribué à la classe de Première S 3 à la Préfecture de Nancy par monsieur Eric Freysselinard, préfet de Meurthe-et-Moselle, et madame Mireille Pichereau de l'Ordre National du Mérite.




Liste des élèves primés (PS 3):

BEKHIRA Nicolas
BENOIT Guillaume
BOLMONT Laura
CAILBEAUX Laura
CALBA Lise
CESAR Lilou
DRIOUCH Sara
DUMONT Corentin
FERRY Eliott
GONZALEZ-GARCIA Laetitia
GRBIC Léa
HOUOT Léonie
LAMBOUR Margot
LATAILLE Justine
LEBOURGEOIS Florine
LEDERMAN Hugo
LEGROUT Léanne
LEMERY Léane
MARTIN Quentin
MARTRETTE Alex
PORT Lara
REGENT Emeline
REGNAULT Emma-Louise
SANTOS Solène
SANZEY Paul
SCHNEIDER Apolline
SECKINGER Emma
SEDRAOUI Yasmine
TOMASI Mona
VEZIN Pernelle
ZVINGER Clémence

Sous la direction de Jérôme JANCZUKIEWICZ, professeur d'histoire.