vendredi 29 avril 2016

LES TROUPES RUSSES ARRIVENT A MARSEILLE ! 29 AVRIL 1916.

L'Illustration du 29 avril 1916 consacre de nombreuses pages à l'arrivée des troupes russes à Marseille. En effet, dans le cadre de l'alliance franco-russe et d'un accord militaire entre les deux pays négocié par Paul Doumer, la Russie a accepté d'envoyer des soldats en France qui, en échange de ces précieux effectifs, poursuivait son aide financière et en matériel à la Russie.




Deux paquebots, le Latouche - Tréville et l'Himalaya arrivèrent donc à Marseille le 20 avril 1916. Les soldats russes, qui ressemblaient à "des statues de bronze" ou à des gerbes "de blé vert", débarquèrent et reçurent des fusil Lebel. 









Ils logèrent au Camp Mirabeau, puis, le lendemain, 21 avril 1916, ils défilèrent dans Marseille. 




L'accueil de la population fut très chaleureux et les soldats russes semblent ravis de recevoir des fleurs ! Leur voyage vers la France avait duré 75 jours dont 54 de navigation !



Les troupes russes partirent ensuite au camp de Mailly en Champagne pour leur instruction. Elles étaient commandées par le général Lohvitsky. 




Tenue d'officier russe (Fort de la Pompelle)


En tout, la Russie envoya 45 000 hommes hors de ses frontières: 20 000 servirent en France au sein de la IVème Armée Française (général Gouraud) en Champagne, 25 000 dans l'Armée d'Orient dans les Balkans. Les troupes russes furent aussi mises à l'honneur le 14 juillet 1916, lorsqu'un détachement défila sur les Champs Elysées, avec les autres troupes alliées, pour la Fête Nationale.



"Le 14 juillet 1916 à Paris. Nos alliés". On remarque les soldats russes, avec leur casquette, sur la gauche et la droite de la photo. Collection particulière.


En Champagne, les unités russes, formées en Brigades Spéciales (car détachées dans l'armée française) combattirent près du Fort de la Pompelle ainsi que dans l'Aisne, en bordure du Chemin des Dames. 


Carte postale avec légende trilingue Français - Anglais - Russe.
Collection particulière.


Cette présence des Russes se voit dans les cartes postales imprimées à Reims en 1916 - 1917 qui comportent une légende en cyrillique... 


Canon Putilov au Fort de la Pompelle

Culasse du canon Putilov

Les Russes, en plus du fusil Lebel, reçurent un masque à gaz et un casque Adrian avec l'aigle bicéphale mais gardèrent leur uniforme couleur vert -moutarde et apportèrent aussi des canons Putilov de 76,2 mm, remarquables par leurs qualités de tir. 


Soldat russe des Brigades Spéciales (Fort de la Pompelle)


Casque Adrian version russe


Coiffures militaires russes (Fort de la Pompelle)


Monument russe au Fort de la Pompelle

Canon russe de 203 mm à Warmeriville (repris aux Allemands)


Les combats furent aussi très durs pour les Russes qui subirent des pertes sévères en Champagne et dans l'Aisne: les combats de Courcy dans la Marne, du 16 au 19 avril 1917 causèrent la perte de 5183 soldats, tués, blessés ou disparus !




Carte postale écrite par un capitaine russe et adressée au commandant Chapelier. 
Collection particulière.


A partir d'avril 1917, à la suite de la Révolution de Février en Russie et de l'échec de l'offensive du Chemin des Dames, le moral des Russes flancha, en raison de lourdes pertes et de la propagande bolchevique qui prétendait que les soldats russes avaient été "vendus" à la France... Ainsi, les troupes russes, qui devaient attaquer Courcy le 16 avril 1917, se mutinèrent d'abord puis votèrent à main levée pour savoir s'il fallait maintenir l'attaque ou non. Finalement, l'attaque fut acceptée à une courte majorité... 

Les Français, inquiets, décidèrent donc de retirer les brigades spéciales russes du front et de laisser le choix à ces soldats, après les avoir envoyés au camp de la Courtine, de Felletin puis du Courneau:

- Ceux qui voulaient encore combattre (environ 1 000 soldats) formèrent "la Légion Russe pour l'Honneur" intégrée à l'armée française.

- Ceux qui voulaient aider les Français sans combattre intégrèrent des unités de travail ou de logistique.

- Ceux qui refusèrent toute coopération (plus de 10 000 hommes) furent envoyés au Camp de la Courtine, dans la Creuse, où des éléments de la 1ère brigade spéciale se mutinèrent en septembre 1917, entraînant une réaction violente des Français qui bombardèrent le camp (il y eut 12 morts) avec l'aide de troupes russes loyales. Des mutins furent exécutés tandis que les autres partirent dans des bataillons disciplinaires en Afrique du Nord ou furent internés en France. 


Le camp de la Courtine (carte écrite en 1916). Collection particulière.


La 3ème brigade spéciale russe, moins encline à se rebeller, fut envoyée à la fin de 1917 au camp du Courneau, près d'Arcachon, en Gironde, camp qui accueillait jusque là des troupes coloniales en hivernage. La discipline fut quasi inexistante dans ce camp: les officiers partaient s'amuser à Arcachon ou à Bordeaux tandis que les hommes étaient livrés à eux-mêmes... La Révolution d'Octobre créa beaucoup de tensions entre Russes loyalistes et "Bolcheviks". C'est au Courneau que se fit le "tri" des Russes, entre ceux qui voulaient encore combattre, ceux qui voulaient travailler pour l'effort de guerre français et les irréductibles qui furent expédiés à l'île d'Aix ou en Afrique du Nord. 




La Nécropole du Natus (août 2016)


Le monument du Natus, érigé près du camp du Courneau, mentionne la présence de 12 Russes morts durant leur séjour et enterrés avec les "Sénégalais" morts précédemment dans ce lieu. Selon les historiens locaux, il semblerait aujourd'hui que 9 Russes et non 12 aient été inhumés dans cette nécropole.

Finalement, à part les hommes de la Légion Russe, qui poursuivirent les combats, les soldats russes rentrèrent chez eux en 1919 via Odessa.

Drapeau russe dans la chapelle de Saint-Hilaire-le-Grand


Plaque en hommage aux soldats russes à la Ferme de Navarin






Tombes russes à Saint-Hilaire-le-Grand (2010).


Aujourd'hui, on peut voir des sites liés à ces Russes en Champagne, au Fort de la Pompelle, à la chapelle de Saint-Hilaire-le-Grand avec son cimetière et un petit monument en face, à la Ferme de Navarin et dans quelques petites villes où se trouvent des canons russes (récupérés par les Allemands et repris par les Français...) comme La Ferté - Milon (Aisne) et Warmeriville dans la Marne (deux gros 203 mm !). Le 26 avril 2015, un émouvant monument en l'honneur du corps expéditionnaire russe fut inauguré à Courcy, dans la Marne, village délivré par les Russes après de furieux combats en avril 1917.



La chapelle russe de Saint-Hilaire-le-Grand avec l'iconostase à l'intérieur

Le cimetière russe

Le monument russe en face de la chapelle: les Russes demandent aux enfants de France de leur apporter des fleurs...



Monument de Courcy (Marne)


Et la Bataille de Verdun ? L'Illustration l'évoque toujours mais de façon nettement plus brève car la semaine a été marquée par une accalmie dans les combats, malgré des bombardements encore violents sur le Mort-Homme et le Bois des Caurettes.

Soldats français dans un ravin près de Verdun


Jérôme Janczukiewicz avec les élèves de la S - 03 et la PS - 01.
Photos des visites scolaires en Champagne de 2010, 2013, 2015.