"MON PETIT ROMAN"
Carnet de guerre du caporal Jean Hacquard
120ème Régiment d'Infanterie
1914 - 1915
120ème Régiment d'Infanterie
1914 - 1915
AVANT
– PROPOS
Je
ne sais pas précisément comment ce carnet est arrivé chez moi. Mon père le
tient de son père et ce dernier avait plusieurs frères et sœurs. Pourquoi mon
père en a-t-il hérité, lui en particulier ? Nous l’ignorons.
Il
est important de l’avoir, car c’est un témoignage important de cet ancêtre que
je n’ai pas connu et qui a participé à la Grande Guerre de 14 – 18, puis qui a
mené par la suite une carrière de cheminot.
Lisa
Hacquard, arrière-petite-fille du caporal Jean Hacquard
Jean Hacquard |
Présentation
du carnet du caporal Jean Hacquard
Le
carnet, que Jean Hacquard a dû acheter dans une boutique du camp de Darmstadt,
mesure 15 cm sur 9 cm et fait 8 mm d’épaisseur. Il comprend 48 feuillets (96
pages) reliés par deux agrafes, chaque page comportant 20 lignes bleues. Sa
couverture, en carton épais, est recouverte d’une feuille noire brillante
imitant la moleskine. Jean Hacquard a écrit son nom, prénom, grade, et le lieu
et la date de rédaction sur la deuxième de couverture, et, à la fin, la liste
des colis reçus avec leur contenu sur la troisième de couverture.
Le
texte comprend deux parties distinctes, formant en tout 57 pages :
40
pages pour le récit.
17
pages de poèmes et chansons.
Il
y a en plus une page d’opérations mathématiques qui semblent avoir été
corrigées puisque l’on voit l’annotation « b », pour bien, près des
trois opérations.
Le
récit
Le
récit a été rédigé d’une traite lors de la nuit de Noël 1914 au camp de
Darmstadt. Jean Hacquard, dont le nom est parfois orthographié Hacquart, avait été capturé à Montmédy le 29 août 1914 date de
l’entrée des troupes allemandes dans la ville (le 28 août selon le registre du
camp). Transféré en Allemagne le 6 septembre 1914, il avait connu des
conditions de détention difficiles à Rastadt puis à Darmstadt. Visiblement
déprimé, souffrant du « cafard » en raison de l’absence de courrier
venant de France, il se décida à faire le récit de sa guerre lors du Réveillon
de Noël 1914, passé loin de sa famille mais en compagnie d’autres prisonniers
qu’il appelle ses « frères ».
A
qui le récit est-il adressé ? Jean Hacquard fait une sorte de bilan
personnel en relatant les mois de guerre et la rupture avec sa vie antérieure,
mais il semble bien que le récit est aussi destiné à sa famille afin de lui
décrire ce qu’il a vécu lors de la campagne d’août 1914, puis lors de sa
captivité, faute de réponse à ses lettres. Le récit commence par un cri de
colère et de désespoir : prisonnier en Allemagne, Jean Hacquard n’a plus
de nouvelle de sa famille. Il souhaite vivement rentrer chez lui et retrouver
parents et amis.
Il
décrit alors sa captivité depuis sa sortie de l’hôpital de Spire le 25 octobre
1914 et son internement à Rastadt, dans le bastion d’une forteresse, entassé
avec d’autres prisonniers dans des conditions sordides de promiscuité, puis à
Darmstadt, dans un camp spécialement construit pour les Français, avec des
baraques en bois. Il donne le détail des repas servis dans ces deux camps. Ce
qui frappe est la quasi-absence de protéines animales, à part les abats (mou
par exemple), contrairement aux repas riches en viande et en féculents (riz et pommes de terre) servis dans l’armée française, avec des menus
comprenant surtout des soupes de légumes avec du pain noir, peu de féculents et
de matières grasses. Il fallait donc compléter ces maigres repas en achetant
des compléments dans la cantine du camp.
Après cette description rédigée avec un style désabusé voire cynique, Jean Hacquard revient au début de la guerre et évoque avec nostalgie les huit mois passés à Stenay dans la Meuse.
Après cette description rédigée avec un style désabusé voire cynique, Jean Hacquard revient au début de la guerre et évoque avec nostalgie les huit mois passés à Stenay dans la Meuse.
Jean Hacquard était de la classe 1913 et il faisait son service militaire au sein du 120e Régiment d’Infanterie depuis le 28 novembre 1913. Ce régiment, dirigé par le lieutenant-colonel Mangin, était nouvellement installé à Stenay, ayant été transféré de Saint-Denis et de Péronne en octobre 1913 afin de renforcer la frontière. Avec les 9è et 18è Bataillons de Chasseurs à Pied, mentionnés dans le récit, il faisait partie de la 87è Brigade commandée par le général Cordonnier dont l'état-major était aussi installé à Stenay.
La fiche de Jean Hacquard (avec l'orthographe Hacquart) est conservée dans les registres matricules de la classe 1913, aux Archives Départementales des Ardennes, 1 R 264, fiche n° 2394, et permet de connaître sa vie, ainsi que son acte de naissance conservé dans les registres de la commune de Colmey, numérisés par les Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle.
Né le 2 juillet 1893 à Colmey, en Meurthe-et-Moselle, et déclaré le 3 à la mairie, selon l'acte de naissance de cette commune, Jean François Hacquard était le fils de Nicolas Hacquard, journalier, et de Joséphine Marie Larbepenet, sans profession, décédés au moment de la rédaction de la fiche, ce qui explique sans doute l'importance, visible dans le carnet, donnée à sa tante Pauline Hacquard. Il exerçait la profession de domestique de ferme et avait un niveau d'instruction assez limité (niveau 2). Il mesurait 1 m 73 cm, avec des yeux bleus foncés et des cheveux châtains foncés. Une coupure sur l'annulaire gauche est aussi signalée.
Jean Hacquard semble avoir gardé un très bon souvenir des mois passés dans la Meuse car il avait des amis à Stenay. Il donne alors un récit détaillé des préparatifs de l’armée française mise en alerte dès le 26 juillet 1914, avec le retour des permissionnaires. Ensuite, c’est sa nomination comme cycliste du commandant le 29 juillet, afin de porter les messages aux diverses unités ; puis le régiment quitte Stenay le 31 juillet 1914 pour se poster entre Jametz et Damvillers, en arrière de la frontière, afin d’éviter tout incident avec l’armée allemande, conformément aux consignes du gouvernement (les troupes françaises devaient rester à 10 km de la frontière).
Le fantassin français en août 1914. Fort de la Pompelle. |
Du
1er au 5 août 1914, Jean Hacquard dut accomplir plusieurs missions
afin de mobiliser les réservistes dans les environs de Stenay : les 1er
et 2 août, il doit faire un long parcours en vélo dans un triangle Stenay –
Juvigny – Olizy, ce qui l’épuise, puis alors que la guerre vient officiellement
d’être déclarée par l’Allemagne, il repart pour Louppy et Damvillers afin de
réaliser la liaison avec le régiment. On goûtera le pittoresque du récit avec
les multiples va-et-vient, les pauses chez les paysans, le faux billet de
réquisition utilisé pour le ravitaillement.
Enfin,
le 10 août 1914, la guerre commence véritablement pour Jean Hacquard, nommé
caporal le 6. Son récit montre parfaitement le « consentement
patriotique » qui animait les Français de l’époque : certes, il
aurait aimé rester tranquille à Stenay, mais les « Boches » ayant
attaqué la France, « notre chère Patrie », il devait la défendre
contre les « Barbares ». Sa vision des Allemands, développée dans les
poèmes et chansons, est traditionnelle : peuple de sauvages, cruels,
vaniteux, ne respectant pas les lois de la guerre, les Allemands sont détestés,
surtout l’empereur Guillaume II, le chef des « bandits ».
Jean
Hacquard donne ensuite un récit précis de la Bataille des Frontières : le
120e Régiment d’Infanterie marche vers le sud-est, vers Pillon, puis
remonte vers le nord et passe la frontière belge à Sommethonne le 21 août 1914
après une longue marche sous une chaleur écrasante. Les soldats sont épuisés
par ces marches successives, trempés de sueur, souffrant d’un ravitaillement
souvent déficient, dormant dans les granges. Par contre, les villageois,
français et belges, se montrent accueillants : ils logent volontiers les
soldats, leur offrent de la nourriture, des cigares, des boissons…
Il
évoque aussi l’installation de tranchées dans le secteur de Delut et de
Villers-le-Rond : en août 1914, les tranchées, aménagements prévus dans
les manuels militaires avant la Grande Guerre, étaient des fossés protecteurs,
utilisés de façon provisoire, qui permettaient aux soldats de se retrancher et
de se protéger des tirs ennemis. Elles n’avaient ni l’ampleur, ni la
sophistication des tranchées construites après décembre 1914.
La
guerre reste pour le moment encore lointaine pour Jean Hacquard : il
entend les bombardements, voit les destructions dans les environs de Pillon,
note la capture de soldats allemands après une attaque française et le survol
de son unité par un avion allemand. C’est en Belgique qu’il connaît son baptême
du feu, le 22 août 1914, lors de la bataille de Bellefontaine. Son unité
semble surprise par la présence des Allemands solidement retranchés dans un
bois. Son escouade part chercher le contact avec l’ennemi mais, bloquée par une
haie, elle se fait décimer sans qu’une riposte ne soit possible. Jean Hacquard
montre son courage en se découvrant pour tenter de repérer les positions des
Allemands, en vain. Il s’aperçoit alors que ses camarades ont rebroussé chemin,
sans le prévenir !
C’est
en tentant de les rejoindre qu’il reçut une balle qui lui traversa la cuisse
droite et la fesse gauche, tandis qu’une autre balle traversait son bidon et qu’une
troisième passait entre ses jambes.
Rampant
sur le sol, Jean Hacquard ne pouvait plus combattre. Son capitaine lui ordonna
alors de rejoindre le village de La Hage (ou Hache juste à côté) où, après un
trajet pénible de 3 km, il est pris en
charge par un médecin, puis il est évacué sur Meix-devant-Virton puis, sous les
bombardements allemands, sur Sommethonne alors que l’armée française bat en
retraite suivie par des réfugiés belges. Les blessés français passent une nuit
pénible dans une grange, totalement négligés par les infirmiers, puis, au
matin, les blessés pouvant marcher quittent le village tandis que les autres
sont abandonnés… Jean Hacquard et ses compagnons reçurent alors l’aide d’une
jeune femme belge qui les soigna, les nourrit et les fit partir pour Montmédy.
Cette partie du récit est très poignante avec le massacre des soldats français lors de la bataille de Bellefontaine,
les bombardements, l’afflux des blessés finalement abandonnés … Le 120è Régiment d'Infanterie perdit 21 officiers et 873 hommes lors de la journée du 22 août 1914...
A
Montmédy, Jean Hacquard est admis à l’hôpital militaire où il est bien soigné.
Il put même voir des membres de sa famille qui avaient quitté Colmey, mais le
29 août 1914 (le 28 selon le registre du camp de Darmstadt), les Allemands
occupent la ville après le départ de la garnison française et il est fait
prisonnier. Après quelques jours passés à Montmédy, Jean Hacquard partit pour
Thionville via le Luxembourg, puis fut interné à Spire, Rastadt puis Darmstadt
comme il l’a relaté dans son « petit roman », expression que nous
avons reprise comme titre du carnet.
Fiche de prisonnier avec les pages du registre du camp de Darmstadt conservées dans les archives du CICR de Genève mentionnant Jean Hacquard, dont le nom est orthographié avec la variante Hacquart.
|
Le parcours de Jean Hacquard en Allemagne avec les différentes villes où il fut interné. |
Les
archives de la Croix Rouge à Genève ont conservé la trace de son passage au
camp de Darmstadt où il est encore inscrit comme prisonnier le 19 octobre 1917.
Jean Hacquard fut libéré après la signature de l’Armistice le 11 novembre 1918, et il fut rapatrié en France le 9 décembre 1918.
Sa carrière militaire se poursuivit encore quelques mois: affecté au 69ème Régiment d'Infanterie le 1er mars 1919, il fut ensuite muté dans une unité de logistique, la 23ème Section de COA (Commis et Ouvriers de l'Administration), le 20 avril 1919. Il ne reçut son congé que le 2 août 1919 et il mena alors une carrière de cheminot aux Chemins de Fer de l'Est où il fut affecté le 20 avril 1920. Il vécut alors à Nancy où il s'était installé dès août 1919, d'abord au 167 rue de l'Etang puis au 10 rue Villebois-Mareuil. Il se maria à Nancy le 6 janvier 1920 avec Marie Elise Cadiot et il eut toute une descendance. Il mourut dans la même ville le 27 avril 1964.
Sa carrière militaire se poursuivit encore quelques mois: affecté au 69ème Régiment d'Infanterie le 1er mars 1919, il fut ensuite muté dans une unité de logistique, la 23ème Section de COA (Commis et Ouvriers de l'Administration), le 20 avril 1919. Il ne reçut son congé que le 2 août 1919 et il mena alors une carrière de cheminot aux Chemins de Fer de l'Est où il fut affecté le 20 avril 1920. Il vécut alors à Nancy où il s'était installé dès août 1919, d'abord au 167 rue de l'Etang puis au 10 rue Villebois-Mareuil. Il se maria à Nancy le 6 janvier 1920 avec Marie Elise Cadiot et il eut toute une descendance. Il mourut dans la même ville le 27 avril 1964.
Poèmes
et chansons
Le
récit s’arrête en décembre 1914, mais le carnet comprend aussi des poèmes et
des chansons composés ultérieurement. Jean Hacquard a-t-il pris le goût
d’écrire ? Le premier poème est le « Noël des Captifs », rédigé
aussi le 24 décembre 1914 avec l’aide d’un camarade, Léonce Clarys, dont nous
n’avons pas trouvé de trace dans le fichier du Comité International de la Croix
Rouge. Viennent ensuite « L’heure a sonné », « Guillaume II roi de
Prusse », « Ma petite Française », « Une 1ère à
Berlin » qui achève le recueil à la date du 15 septembre 1915.
Visiblement, Jean Hacquard s’ennuyait beaucoup à Darmstadt puis à Breitenborn
où il avait été transféré le 2 mai 1915.
Ces
poèmes et chansons s’inscrivent d’abord dans la veine des chants patriotiques à
l’imitation des « Chants du soldat » de Paul Déroulède. L’Allemagne,
puissance agressive, y est décriée ainsi que ses habitants brutaux, cruels,
vaniteux, détestés de tous tandis que la France y est exaltée ainsi que les
qualités de ses habitants et soldats, courageux et valeureux. L’empereur
Guillaume II et le chancelier Bismarck (mort en 1898…) focalisent cette haine
contre l’Allemagne en cumulant toutes les tares de la « race
allemande ».
La
nostalgie du pays y est aussi présente avec le « Noël des Captifs »
où l’amour du village natal et la tristesse d’être loin de chez soi sont
décrits de façon émouvante. Enfin, « Ma petite Française » s’inspire
des chansons coloniales tout en soulignant les vertus de la femme française.
Les
pages sont vides après le 15 septembre 1915. Jean Hacquard était-il lassé
d’écrire ? Cela s’est vu chez d’autres soldats, qui arrêtent leur carnet
après quelques mois, fatigués d’écrire. En effet, la rédaction du carnet a dû
représenter un gros effort pour Jean Hacquard. Les fautes d’orthographe sont
assez fréquentes et la syntaxe est parfois bancale, malgré une relecture du
texte visible grâce à des corrections. Les poèmes, et surtout le dernier,
« Une 1ère à Berlin », sont souvent laborieux avec des
vers dont le sens n’est pas toujours clair.
Pour
établir le texte, nous avons scrupuleusement respecté orthographe et syntaxe,
en rajoutant entre crochets la ou les lettres manquantes, ou bien [sic] lorsque
le mot ne pouvait être corrigé. Les fautes d’orthographe sont assez répétitives
(« l’orsque », « pensé » etc) et l’orthographe d’un même
mot peut aussi varier comme « France » écrit parfois
« Françe », « Montmédy » qui devient « Mondmédy »
etc. Pour les noms de lieux, nous avons aussi conservé l’orthographe du
manuscrit, comme « Danvillers » au lieu de « Damvillers »
ou « Mexce » au lieu de « Meix », « Rastatt » au
lieu de « Rastadt » ; le lecteur pourra suivre les déplacements
de Jean Hacquard sur des cartes d’époque. Par contre les accents manquants ont
été rajoutés ou parfois corrigés et une ponctuation a été aussi placée dans des
phrases trop longues.
La
transcription du texte n’a pas posé de problème particulier, l’écriture étant
très soignée, mais parfois le sens d’un mot reste parfois obscur notamment dans
les poèmes, dans ce cas nous avons rajouté un point d’interrogation.
Le
carnet de Jean Hacquard est un document très intéressant pour celui qui étudie
la Bataille des Frontières, grâce aux nombreux détails qu’il donne sur les
déplacements du régiment et les conditions de vie des soldats. Il fournit aussi
des informations précieuses sur les prisonniers de guerre français en Allemagne
en 1914-1915. Nous espérons qu’il trouvera des lecteurs curieux et que les
historiens de la Guerre 14-18 le prendront en considération.
« MON PETIT ROMAN »
Carnet de guerre du caporal Jean
Hacquard, 120ème Régiment d’infanterie
1914 – 1915
Carnet appartenant à Hacquart Jean
Caporal 120e de ligne
11e compagnie
Stenay Meuse
Commencé le 24 décembre 1914 au camp
des prisonniers de Darmstatt
Allemagne
Campagne de 1914
Me voilà donc prisonnier, quel sup[p]lice
déjà depuis bientôt 5 mois et sans savoir quand arrivera ce grand jour de la
délivrance ! On commence par s’ennuyer fortement surtout depuis où [sic] jai
[sic] quitté Stenay je n’ai pas eu le bonheur de recevoir une seule
lettre ; jai [sic] pourtant écrit très souvent mais jamais de réponse. Que
sont devenu[s] ceux que j’aimais et dont je ne sais s’ils sont encore vivant[s]
ou mort[s] ? Du moins j’espère avoir le bonheur de pouvoir les revoir tous en
rentrant, ou tout au moins, une grande partie ; peut-être auront-ils eu le même
bonheur /
que moi d’échapper à la mort dans cette
terrible guerre où beaucoup de mes camarades ne reverront jamais les leurs.
Alors dans ce camp où je me trouve, réunis avec des milliers de frères, je
profite de ces jours d’ennui pour retracer tous mes jours de campagne qui ont
été si durs et si cruels pour moi.
Avant que de vous reproduire tou[te]s
ces horreures [sic], je voudrais vous faire savoir la vie que l’on nous fait
subir parmis [sic] ces barbares.
Voilà déjà depuis le 25 octobre que
j’ai quitté l’hôpital ; là c’était le vrai bonheur envers des sup[p]lices que
nous éprouvons maintenant, et les douleurs de mes blessures. /
Après avoir quitté l’hôpital, on m’a
dirigé sur un camp de concentration que l’on appelle Rastatt. Là j’y suis resté
25 jours. Comme logement nous étions dans un bastion qui était en quelque sorte
comme une cave où nous étions serrés comme des harengs. Comme nourriture,
c’était le café matin et soir avec une livre de pain noir par jour, et le repas
de midi n’était guère meilleur : on nous procurait de la choucroute avec
des tripes ou du gras dou[x], du mou, mais n’oublions pas quand c’était jour
exceptionnel, on voyait nager quelques bouts de lard sur l’eau, car ce n’est
pas cela qui manquait. Heureusement /
que nous avions une petite cantine où
nous pouvions nous procurer beaucoup de petites choses, naturellement celui qui
avait de l’argent.
Enfin, on a trouvé que nous étions trop
bien, et on nous a transférés dans un camp d’instruction du non [sic] de
Darmstatt où nous sommes toujours pour le moment. Ici, c’est un peu mieux, nous
sommes dans des baraques en planches que l’on a fait tout exprès pour nous.
Nous avons comme lit de milieu une
paillasse et une couverture, mais dans ces baraques nous sommes à peu près 125
ou 150, ce n’est pas fixe. En tous cas, je crois que pour l’instant /
nous sommes peut-être plus de 1000 car
il n’y en a pas mal qui ont de la garnison de bêtes à mille pattes.
Quand au menu, voici à peu près comme
il est désigné : le matin café à l’orge, midi : soupe aux fèveroles
pour le lundi et le soir bouillon clair et avec ça une boule de pain noir de 3
livres pour 3 jours, le mardi : soupe aux rutabagas midi et le soir mito[n]nade
avec du pain noir et de l’eau. Mercredi : soupe aux choux et le soir
bouillon clair pour ne pas attraper d’indigestion. Jeudi midi : pommes de
terre cuite à l’eau avec morue et le soir soupe claire avec quelques choux.
Vendredi midi : riz avec /
confitures et le soir café à l’orge,
comme d’habitude, avec un petit fromage. Samedi : soupe au lard et le soir
soupe claire. Dimanche midi : rata au mouton et le soir soupe, et toujours
la même chose sauf les jours de fêtes où l’on fait quelques plats suculants
[sic].
Avec tout cela, il ne faut pas trop ce
[sic] plaindre puisque nous avons de quoi ne pas mourir en espérant que nous
aillions bientôt voir s’ils nous en ont laissé.
Après vous avoir raconté toutes ces
belles choses, je vais vous faire un petit récit des quelques jours de campagne
que j’ai eu le bonheur de faire.
Après avoir passé 8 mois tranquille
dans cette petite ville de /
Stenay, il a fallu que ces bôches [sic]
viennent nous chercher querelles et nous obliger d’aller nous faire trouer la peau
pour faire respecter notre chère Patrie.
Après avoir passé 24 h. auprès de mes
chers parents et amis le 26 juillet, dernière belle journée car après on ne
pensait plus à prendre du plaisir. En rentrant donc le soir, on me dit que l’on
faisait rentrer les permissionnaires ; on avait donc déjà des doutes que
bientôt il faudrait partir. Le lundi, on apprend qu’il ne faut pas faire
l’exercice à moins de 5 km. pour qu’en cas de surprise on n’aie [sic] qu’à
partir.
Le 28 la même chose jusqu’au mercredi
29 ; ce jour même on me /
fait savoir que je passais cycliste du
commandant d’armes ; je ne quittais donc plus la caserne pour être présent
au moment où l’on aurait besoin de moi. Le 30, la même chose, mais voilà que le
31 tout change : à 8 h du matin, je reçois de me m’être [sic] en tenue de
campagne. C’était bien fini, nous étions tous fixés. Mon camarade, qui était
cycliste, reçoit l’ordre d’aller chercher la compagnie qui faisait du service
en campagne sur la route de Bâlon, et à midi notre régiment quittait notre
caserne au son de la Marseillaise et du Champ [sic] du Départ et allait prendre
sa place à la frontière, c’est-à-dire Jametz et Danvillers [sic]. Moi, je
restais là avec quelques camarades pour /
recevoir les réservistes qui formaient
le 2ième échelon et confectionner les ballots pour envoyer au dépôt
à Péronne.
Le 1e août se passe donc à
se [sic] travail l’orsque [sic] le soir le Lieutenant-Colonel me donne des
ordres d’appels à porter aux réservistes des pays de Juvigny, Han-lès-Juvigny,
Quincy, Chauveney-le-Château, Brouhènes, la Mouilly, Olisy et Stenay dont je
rentrais à 6 h. du matin après avoir esquinté la roue devant de ma bicyclette
et m’enlever un morceau de chair à la main droite.
Le 2, même travail que la vielle [sic]
après avoir fait réparer ma machine et me procurer ce que j’avais besoin pour
partir et à 10 h. du matin, mon Capitaine, qui com[m]andait le 2e
échelon, reçoit l’ordre de quitter Stenay et rejoindre le régiment qui occupait
toujours le /
même cantonnement. Nous quittions donc
cette petite ville avec le cœur gros car nous y laissions des amis et nous
prenions la route de Bâlon.
En arrivant à Bâlon, le Capitaine me
donne un pli pour aller remettre au Colonel à Danvillers [sic]. Après avoir
vidé quelques quarts d’eau et faire remplir mon bidon de café que j’ai payé O
fr 45 sans sucre, je me dirige sur Danvillers [sic]. En arrivant à Loupy, je
rejoigne [sic] notre Lieutenant major qui avait sa bicyclette crevée. Il me
demande de lui réparer, ce qui fut bientôt fait et nous continuons notre route,
après avoir bu un bon verre de vin chaud que nous avions pris à la hâte, car en
ces moments-là on ne s’amuse pas. Nous arrivions à Danvillers [sic] et je vais
remettre mon ordre au Colonel. /
Je me préparais à partir l’orsque [sic]
j’aperçois un café à la sortie du village. J’entre et prend un petit verre dont
la la [sic] bonne femme me donne une bonne tas[s]e de lait bouilli. Après avoir
bu ces boissons qui m’ont fait grand bien, je me disposais à repartir pour
aller me reposer au plus vite car il y avait 3 jours que je ne dormais pas,
l’orsqu’une [sic] pensée me vint. Je demandais un bout de papier à cette bonne
dame et je me faisais un bon comme si c’était le colonel, m’autorisant à me
faire produire à souper et un lit pour la nuit, car j’étais très fatigué ;
mais en campagne, on ne trouve pas un lit tous les jours. Qu’importe, je me
hasarde et je reparts [sic] pour accomplir ma mission l’orsque [sic] je passe
devant une ferme qui se trouvait devant le bord de la route. Je m’arrête et
j’entre dans cette maison en présentant à la fermière /
mon précieux billet que je m’étais
procurer quelques minutes auparavant. Après avoir lu ces quelques mots, cette
bonne dame consent à me donner 2 œufs cuit[s] dans la cendre et une grande tas[s]e
de lait. Après l’avoir remercié, je continue ma route et j’arrive à Jametz où
mon Capitaine soupait avec les officiers. Je lui remet[s] l’ordre dont il
m’avait confié, et me dit d’aller rejoindre la compagnie qui se trouvait à
Loupy.
Arrivé à Loupy, j’ignorais où ma
compagnie s’était installée, quand je me resouvins [sic] de mon précieux billet qui m’avait déjà rendu
service et arrivé au [sic] première maison, je me présente chez un cultivateur
dont je croyais trouver mon affaire, mais voilà qu’il y avait déjà des
officiers. Je demande simplement si elle pouvait me procurer /
à souper et un lit sans montrer mon
billet, car il était faux. Cette dame me répond qu’elle ne pouvait le faire car
elle avait des officiers. Je n’ai pas insisté et je lui demande simplement si
elle ne pouvait m’indiquer où je pour[r]ais me procurer cela. Elle me fait
conduire chez de braves paysans qui n’avai[en]t justement personne. Je me
présente à ces bons vieux dont je fus très bien accueillit [sic] et je lui
demande si elle voulait se permettre de lire mon petit billet. Tout aussitôt ces
bons vieux, se rappelant sans doute de leurs enfants, me font aussitôt une
bonne omelette arrosée d’une grande tâse [sic] de bière.
Après avoir avalé cela, ils me
montrèrent un bon lit où je ne tardais pas à m’endormir car je n’en pouvais
plus.
Le lendemain, ces bons vieux me font
déjeuner avec eux et après les avoir remercier [sic] /
très cordialement, je vais rejoindre la
compagnie. Aussitôt arrivé, je reçois une lettre de Colmey. C’est la seule et
unique que j’ai reçu dans toute la campagne et pourtant j’ai écrit plus d’une
fois. Après m’être débarbouillé, je me repose en attendant que l’on me renvoi
porter des ordres, aussi j’en profite pour écrire plusieurs lettres et la
journée se passe ainsi.
Le soir, je repars pour Danvillers [sic]
où je couche au bureau du Colonel avec plusieurs cyclistes l’orsque [sic] vers
2 h. du matin on nous fait lever pour porter cette triste nouvelle dans toutes
les directions : « La
guerre était déclarée ». La pluie tombait à torrent et je marchais
toute la journée tout trempé et couvert de boue.
Le 5 août je suis de planton au /
poste de police où je reste à peu près
en repos, l’orsque [sic] vers 2 h. on m’ordonne de partir au plus vite sur la
route de Stenay à la poursuite de 2 voitures qui retournaient à Stenay, et les
faire retourner à Loupy pour se ravitailler. De là, j’en profite pour aller
revoir les amis à Stenay et, en même temps, prendre quelque provisions car on
ne trouve plus rien dans les pays.
Le 6, on m’apprend que je viens de
passer Caporal. Je continue quand même mon service de cycliste toute la journée
jusqu’au 7 où on me force de donner ma machine à un camarade et entrer dans une
escouade.
C’était fini, mon bon temps était passé
car il fallait porter mon sac comme les autres. Malgré cela, le Capitaine
m’envoye [sic] à Stenay avec le
Lieutenant /
chercher des provisions pour les
officiers et la compagnie. Pensé [sic] si j’étais heureux d’aller revoir Stenay
et pourtant, il pleuvait à Sceaux [sic]. Je rentre au cantonnement à 8 h. du
soir, chargé comme une mule, car j’avais des provisions pour moi et mes
camarades et les officiers.
Le 9. Le Lieutenant me donne la
permission de rester au cantonnement pour me nettoyer et me reposer et surtout
me faire sécher.
Le 10, on se repose une partie de la
journée l’orsque [sic] vers 3 h. nous quittons Loupy pour aller cantonner à
Delut. Mais quelle triste marche par une chaleur terrible et chargés comme nous
l’étions !
J’étais trempé de sueur. J’ai failli
rester sur la route de la soif, mais j’étais content tout de même car /
je savais trouver là quelques bons amis
dans ce village.
Le 11, il y a repos toute la journée.
Le 12. Nous partons faire des tranchées
à la sortie du bois de Dombras.
Le 13 et 14, 15, la même chose.
Le 16, nous étions restés au
cantonnement l’orsque [sic] vers 1 h. nous avons alerte pour partir à
l’attaque. Nous nous dirigeons d’abord sur Marville, mais arrivé à la sortie du
bois, nous prenons la droite et nous prenons la directions [sic] de St-Laurent.
Après avoir laissé nos sacs dans un champ de luzerne, auprès du bois, nous nous
déployons en tirailleurs par une chaleur terrible, traversant les avoines, les
blés etc, enfin nous gagnions St-Laurent où nous pouvons nous désaltérer à
notre aise, un bon vieux /
camarades [sic] me donne un bidon de
vin dont j’étais très content ; et nous poussons l’attaque sur Pilon que
notre artillerie bombardait et dont les flammes dévastaient le pays.
Nous arrivions en présence de l’ennemi
vers 5 h., 2 sections de la compagnie charge[nt] à la baïonnette et font 11
prison[n]iers dont 1 officier et 2 mitrailleuses. Après avoir fait cette petite
capture, nous retournions à notre cantonnement en passant par St-Laurent où
nous laissions l’officier qui était blessé à l’estomac et nous repartions pour
Delut passant par le même chemin que pour partir, pour reprendre nos sacs qui
étaient toujours dans le champ de luzerne et nous arrivions à Delut vers 10 h.
du soir.
Le 17, repos, mais ma compagnie est /
désignée pour prendre la garde au poste
de police. La matinée se passe à astiquer son fusil et à se nettoyer et à 10 h.
je prends la garde jusqu’au 18 à 10 h.
Le 18, le reste de la journée, service
en campagne aux environs de Delut pour ne pas perdre l’habitude et nous
rentrons vers 4 h. au cantonnement l’orsque [sic] nous apercevons un aéroplane
allemand planant au dessu[s] du village. Toute la section fait feu mais sans
résultat.
Le 19. Le Capitaine nous fait passer
une revue de petit[e]s vivres et d’armes dans la matinée et nous avertit de
nous tenir prêt à partir car probablement que l’on quitterait Delut pour aller
aillieurs [sic].
Ce fut exacte [sic] car à 11 h. 1/2 du
matin, nous quittions Delut et nous nous dirigions sur Flassigny en passant par
Marville. Nous arrivions à Flassigny vers 2 h. et aussitôt ma section /
est encore désignée à prendre la garde
jusqu’au lendemain à 10 h. Pendant ce temps, j’écris encore une lettre à ma
tante en lui disant que je me portais toujours bien mais je n’ai pas eu de
réponse non plus de cette lettre. Je quittais donc la garde à 10 h. où l’on se
reposait jusqu’au 20.
J’en profite pour me nettoyer, me faire
couper les cheveux ; on fait une partie de cartes avec les amis, et sa
[sic] se termine ainsi jusqu’au 20 dans la matinée, l’orsque [sic] vers midi la
compagnie quittait le canton[n]ement de Flassigny et allait prendre les
avant-postes à la ferme de la Hignay pour surveiller toute la plaine de Vezin.
Nous couchions donc dehors toute la
nuit dans les tranchées, environs 1500 m. du village de Villers-le-Rond. La
nuit se passe très bien, un peu froide naturellement, mais sans /
incident, sauf que je marche une partie
de la nuit à la relève des sentinelles. Quand, vers 2 h. du matin, nous
recevons l’ordre de quitter les avant-postes et de rejoindre le régiment à
Velosnes en passant à 200 m. environ de Vezin et nous rejoignons le Régiment
vers 9 h.
Aussitôt, nous prenions la route de
Mondmédy [sic] croyant bien y canton[n]er car on étaient [sic] bien fatigués,
mais avant que de traverser Montmédy, le Capitaine nous dit que nous allions
passer devant le Général de division. C’était bien autre chose que de faire la
pose [sic], pourtant nous avions grand’fain [sic] car nous étions partis avec
un quart de café froid depuis 2 h. du matin.
Nous traversions donc Mondmédy [sic] sans
nous arrêter et vers 1 h. le régiment s’arrête pour faire soi-disant la grand’
halte composée d’un quart de café fait avec l’eau qui était dans les fossés /
et un morceau de pain car nous n’avions
pas nos vivres avec nous. Après avoir fait cette petite pôse [sic], on se remet
en marche sans savoir où nous allions quand le Colonel, passant auprès de nous,
nous dis [sic] à tous : « Courage
mes enfants, aujourd’hui la journée sera dure mais je crois que demain ce sera
encore plus pénible car il y aurait des chances que nous prenions l’offensive ».
Pensé [sic] si ça nous a donné du
courage à tous car depuis le temps que l’on faisaient [sic] des kilomètres pour
rien, on allait enfin pouvoir face à notre redoutable ennemi !
Nous marchions donc toujours en nous
dirigeant vers la Belgique l’orsque [sic] nous dépassons le 9e
chasseurs qui canton[n]ait à Grand-Verneuil et nous poussons jusqu’à
Thone-la-Long. Là, on s’y arrête pour y canton[n]er. Ce n’était pas dômage
[sic] car nous /
étions tous bien fatigués, trempés de
sueur et couverts de poussière. Aussitôt arrivés, on met la soupe en route, car
nous avions hâte de lui faire honneur. Pendant qu’elle cuisait, j’en profite
pour me laver et me changer chez de braves cultivateurs du pays, quand tout à
coup, un terrible orage s’abat sur le village et aussitôt le clairon sonne
l’alerte.
On se met vite en tenue en emportant la
viande et les légumes à moitié cuites et on se remet en marche vers la
Belgique. Vous voyer [sic] comme la soupe a été vite mangée ; heureusement
que j’avais pu me faire faire une petite omelette au jambon que nous avions
avalés à la hâte avec mon camarade et qui nous a fait grand bien. Nous quittions
donc Thone-la-Long vers 6 h. au soir avec tous le cœur gros car nous allions
bientôt quitter tous notre chère France pour passer la /
Frontière sans savoir si nous y
reviendrons tous vivants. Hélas, malheureusement que non ! Nous passons
donc au poteau à 7 h. du soir aux cris de « Vive la France ! ».
A peine avions nous fait 3 km. que nous
traversions le 1e village belge : Sonne-Thone. Là canton[n]ait
le 18e chasseurs à pied et j’ai eu le plaisir de voir mes camarades
de Colmey et d’aux [sic] environs et surtout C[h]ristophe Blanchard avec qui
j’ai causer [sic] pendant quelques minutes en traversant le village.
La nuit tombait et nous marchions
toujours sans savoir où l’on pourrait arrêter pour dormir quelques heures,
surtout, après avoir passé la nuit dehors, nous tombions tous par la fatigue et
le som[m]eil.
Après avoir fait une paire d’heures de
marche, on fait la pose [sic] de 10
minutes. Tout aussitôt, on se couche sur son sac le /
long de la route et 5 minutes plus tard
tout le monde dormait, harassé par la fatigue.
Nous aurions volontiers couché sur la
route mais il fallait aller le plus loin possible pour attaquer l’ennemi le
lendemain matin. Quand le coup de sifflet a donné le signal de se remettre en
route, on ne savait si on voulait avancer ou rester là. Enfin, on continu[e] notre
route avec le même courage quand nous apercevions la lumière des premières
maisons d’un village. C’était Mexce devant Virton. Pensé [sic] si nous étions tous
heureux car on savait que nous allions pouvoir nous reposer quelques
heures ! Aussitôt arrivé dans le pays, on fait son possible pour trouver
une grange ou une maison possible quelconque mais c’était difficile car
tout le monde dormait.
Je parvins tout de même à trouver une
chambre dans un logement où je couche avec mon /
escouade sur un peu de paille. Après
avoir bu une trouvé ce bon abri pour moi et mes camarades, je me mets à
la recherche de quelques nourritures car on ne pensait plus à faire chauffer
celle qui était dans nos marmites sur les sacs. J’aperçois une charcuterie.
Aussitôt j’entre pour acheter un peu de fromage pour manger avec le peu de pain
qui me restait ; mais ces bonnes gens, voyant que je parlais le même
langage qu’eux, me font entrer à leur cuisine où je ne tardais pas à dévorer
quelques tartines de beurre et une bonne tâse [sic] de café au lait avec le
commandant du 1e bataillon qui était déjà installé.
Après avoir absorbé tout cela, je
regagnais ma chambre, je me couchais bien vite et je ne tardais pas à
m’endormir. Il était bien l’heure d’y penser, minuit sonnait. Le lendemain, à 4
h. 1/2 /
La longue marche de Jean Hacquard de Stenay à Belle - Fontaine en Belgique |
du matin, le réveil sonne et une
demi-heure après on se m’était [sic] en route vers le village de La Hache après
avoir bu une tâse [sic] de lait qu’une bonne femme belge m’avait donné.
Ce jour-là était le 22, terrible
journée qui sera longtemps gravé[e] dans ma mémoire. Après avoir traversé le
petit village de la Hache où nous défilions parmis [sic] les habitants qui formaient la haie de chaque
côté de la route avec des œufs, du café, de la bière, des tartines de beurre,
du chocolat, des cigarres [sic] etc ; enfin chacun pouvait se procurer
quelques petites choses en passant.
A peine avions-nous fait 3 km. de ce
village que le régiment s’arrête ; on fait une pose et aussitôt les
patrouilles s’en vont dans toutes les directions. Une demi-heure plus tard, les
balles commençaient à siffler, l’heure était venu de se venger ; à tout
prix, il fallait atta- /
quer ces barbares qui étaient retranchés
dans la lisières du bois à la droite de Belle-Fontaine. Mon bataillon prend la
droite dans la direction de Virton et nous nous déployons en tirailleurs par
lignes de demi-section à 20 pas de distance.
Pensé [sic] si la mitraille crachait ! Les
balles, les obus, tout faisaient rage. Malgré cela, nous avancions toujours par
bon[ds], en laissant derrière nous déjà quelques camarades blessés ou mort[s].
Nous descendions une petite colline
quand, arrivés au bas, nous trouvons des parcs de pâturages, des grandes haies,
ce qui nous empêchaient [sic] d’avancer.
Nous nous arrêtons à l’abri d’une de ces haies, derrière un petit talus, mais
nous ne voyons absolument rien, et mes camarades tombaient raide mort dont,
parmi eux, un /
sergent, le brave sergent Monpeur qui
est tombé à la 1e balle et sans savoir où il avait pu être touché.
Nous arrêtions toujours derrière ce petit talus quand le Lieutenant crie au
sergent-major, qui était à notre droite, de regarder ce qu’il y avait devant
nous, mais lui qui tressaillait de la peur me dit de regarder à sa place.
Aussitôt je me lève par-dessu[s] la haie en lui disant « Mourir pour mourir, chef, le devoir avant
tout ». Mais je n’avais su rien voir, et je me remet[s] donc à
l’abri à mon ancienne place et je fixais toujours en avant pour voir si
j’aurais le bonheur de voir un de ces brigands et lui ôter la vie quand,
tout-à-coup, je me retourne et je ne vois plus personne. Tous les camarades
avaient disparus sauf ceux /
que la mort avait frappé pour toujours
ou les blessés. Me voyant seul parmis [sic] ces cadavres, je me disposais à
quitter mon abri et à tacher de retrouver ma compagnie qui avait battu en
retraite ; mais à peine avais-je fait demi-tour que je tombais comme mes
camarades, blessé par une balle dans la cuisse droite et la fesse gauche, une
autre avait traversée mon bidon, une troisième m’avait passée entre les jambes.
Maintenant j’étais comme les frères,
obligé de rester là en attendant que ces Prussiens viennent me relever et me
faire prisonnier ou bien qu’une autre balle vienne m’achever. Mais, rassemblant
mes forces malgré le sang qui coulait à flots, je décharge mon fusil sur ces
bandits et j’essaye de /
faire mon possible pour tâcher d’aller
en arrière, quand je rencontre mon Capitaine qui me demande où j’allais :
« Mon Capitaine, lui répondis-je, je
serai heureux de continuer la lutte avec vous mais je suis blessé et je sens
que mes forces m’abandonnent ».
« Hé bien, me dit-il, faites
votre possible et tacher de gagner le village de la Hache ! ».
Je le quittais donc avec les larmes
dans les yeux car il était brave et je ne pouvais marcher à ses côtés.
Je prenais donc la direction du
village, mais il était encore loin, environ 3 km. Je faisais mon possible et je
traversais bientôt les lignes du 18e chasseurs à pied qui venaient
nous renforcer, et une [heure] après, je venais tomber au[x] premières maisons
du village dans les bras d’un major. Il me fit mon panse- /
ment à l’aide de mon paquet individuel
et quelques minutes plus tard, j’arrivais à l’ambulance que deux brancardiers
m’avaient amenés. Je trouvais là plusieurs de mes camarades qui, comme moi,
avaient échappés à la mort, et aussitôt le major me recousait mes plaies aux vifs [sic], pour arrêter le sang qui coulait à
flots.
Je restais à l’ambulance pendant 2
heures et on me transportait à Mexce que j’avais quitté la vielle [sic] bien
portant. On me fait entrer dans une nouvelle ambulance où se trouvaient les
médecins et chirurgiens, mais à peine étais-je arrivé dans ce pays que les obus
pleuvaient sur le village.
Quelle terreur parmis [sic] ces
malheureux Belges qui fuiaient [sic] avec le peu de mobilier qu’ils pouvaient
emporter !
Malgré le drapeau de la Croix Rouge /
qui flottait sur le toit, les obus
continuaient à pleuvoir sur le pays et il fallut absolument partir et revenir
en arrière. La nuit tombait. Nous quittions donc Mexce vers 7 h. du soir et
nous prenions la route de Sonne-Thône, transporté dans un fourgon à vivres,
parmis [sic] les pommes de terre, les légumes, le pain etc.
Pensé [sic] si j’étais heureux avec les
cahots et la fièvre qui me torturaient !
Nous arrivons donc à Sonne-Thone vers
10 h. du soir. Les granges étaient déjà bondées de blessés. Je trouve tout de
même un petite [sic] [peu] de place sur un peu de paille mais il me fut
impossible de dormir tellement j’avais de la fièvre. Toute la nuit se passa
parmis [sic] les engoises [angoisses] des camarades Quelle nuit terrible que
celle du 22 août qui comme moi avaient beau demander à boire mais personne
ne vint et /
pourtant les infirmiés [sic] français
dormaient dans la paille à côté de nous. Qu’importe, ils ne se dérangèrent
pas !
Quelle nuit terrible que celle du 22
août ! Aussi vous pouvez croire que j’étais heureux quand le jour est venu
car on nous avait promis de nous faire évacuer au plustôt [sic] sur Mondmédy
[sic] ou Stenay aussitôt que l’on
pouvait le faire, mais on ne s’occupait plus de nous.
Les camarades qui pouvaient marcher
s’en allèrent et nous restions là, 3 qui étai[en]t fortement blessé[s]. Nous
avions bien tout 3 l’intention de voir apparaître les Allemands plustôt [sic]
que les Français puisqu’ils nous avaient abandonnés, quand une bonne fille
Belge vint à passer dans la rue et nos cris et nos angois[s]es lui permirent /
de nous entendre et elle s’approcha de
nous. Aussitôt, cette brave fille alla nous chercher du bouillon, du lait, et
passa la matinée à côté de nous pour nous donner ce que nous avions besoin en
attendant que l’on vienne nous chercher. Mais personne ne vint, et vers 2 h. de
l’après-midi, nous étions encore dans cette grange.
Après l’avoir sup[p]lié de faire son
possible pour nous sauver, cette bonne fille vat [sic] chercher une charrette
avec un matelas et des couvertures et quelques minutes plustart [sic], nous
quittions cette brave fille et on nous emmenait vers Mondmédy [sic] où nous
arrivions vers 5 h. du soir le dimanche 23 août.
Aussitôt arrivés, on nous me
fait mon pansement et on me couche dans un bon lit. /
Quelle joie de savoir que j’étais sauvé
et que j’allais pouvoir être bien soigné, surtout que l’on évacuait sur Sedan
ceux qui pouvaient être transportable !
Malheureusement, je ne fus pas du
nombre et je restais là, parmis [sic] les angois[s]es et les râles des
mourants. Quelques minutes plus tard, j’avais le bonheur de voir mon Oncle et
ma tante de Colmey et beaucoup d’amis du village qui c’[sic] étaient sauvés
pour échapper au bombardement. La journée du 24 se passa très paisiblement, à
part mes blessures qui me torturaient toujours ; le 25 de même. Le 26,
nous avons la visite de 2 Allemands blessés qu’une patrouille cigliste [sic] du
165e avait mise en déroute vers 10 h. du matin.
Un d[’]eux est mort dans l’après-midi,
[un blanc] la même chose quand le soir, nous apprenons que le bataillon
quittait la ville et /
devait se rendre à Verdun. Tout cela ne
nous donnait pas courage car nous étions persuadés que les Allemands avançaient
toujours. Ce n’était que trop vrai car le [29]e, nous avions la visite des
premiers officiers bôches [sic].
C’était fini, nous étions tous
priso[n]niers car à midi toute la ville de Mondmédy [sic] était remplie de
cette sale graine.
Heureusement que nous étions soignés
par de braves dames et demoiselles de la ville qui ne nous quittaient pas, de
peur que nous nous découragions. Il y avait bien de quoi, car se voir en France
et être obligé de se soumettre aux volontés de ces sales rosses !
On aurait bien essayé de fuir, mais à
peine étaient-ils arrivés qu’ils nous disaient que celui qui essayerait de fuir
serait fusillé. Il fallait donc se résigner à tout.
Nous restions là jusqu’au dimanche 6
septembre, mais ça ne pouvait /
continuer car ils étaient trop jaloux
de voir que les Français nous soignaient si bien. Ils nous embarquaient donc le
même jour à 3 h. de l’après-midi, et nous requittions encore la France de
nouveau.
Vous pouvez croire que j’avais le cœur
bien gros quand nous avons pris l’embranchement pour la Belgique à Ecouviez car
je ne savais quand j’aurais le bonheur de revoir notre pays si dévasté, et la
preuve c’est que je ne le sais pas encore.
Nous traversons une partie de la
Belgique, le Luxembourg. Là, nous fumes très bien accueillit, car malgré la
nuit, les Luxembourgeois se trouvaient à la gare avec des provisions de toutes
sortes, même de l’argent.
J’aurais encore volontiers essayé de
fuir mais toutes tantatives [sic] étaient inutiles, toute la gare était pleine
de soldats. Après avoir /
fait une halte d’environ une
demi-heure, le train se remet en marche et nous emmène enfin vers cette grande
Allemagne, c’est-à-dire à Thionville, une des premières villes frontières.
On me déchargeait du Wagon pour
m’emmener dans un hôpital. Ce n’était pas sans mal car j’avais les reins broyés
d’être couché sur mon estomac et surtout presque sur la planche, car nous
n’avions presque pas de paille. Enfin, c’est la guerre…
Je passe donc la journée du 7 à
Thionville lorsque vers 4 h. je suis désigné à aller plus loin. On me rembarque
donc à 5 h. où j’arrive à Speÿer le lendemain à 1 h. de l’après-midi. Cette
fois, j’étais fixé.
On me conduit sur un brancard dans une
[sic] hôpital et j’en suis sorti l’orsque [sic] j’ai été complètement guéri pour venir /
au camp de Rastatt que je vous ai
signalé dès le début de mon petit roman. Maintenant, je suis avec beaucoup de
camarades du pays et des environs, et nous n’attendons plus qu’une chose :
c’est le retour et le plus vite possible, vu la bonne nourriture que l’on nous
procure et surtout les rares nouvelles que je reçois de chez moi.
Voilà donc à quoi je passe mon temps
pendant ce triste emprisonnement avec le grand Espoir qu’il se terminera bientôt.
Fait au camp des prisonniers de
Darmstatt pendant la campagne de 1914 – 1915.
Hacquard Jean, caporal 120e
de ligne, 11e compagnie. Stenay. Meuse. /
Noël du captif
Noël, Noël ! Je songe à ma patrie
lointaine.
Qu’elle [est] triste cette grande plaine,
Où, sous l’œil des exécrés Allemands
Je pense à mes chers parents,
A mes sœurs chéries, à mes chers amis,
A toi, clocher joli, auprès de la forêt
endormie,
L’on doit chanter minuit.
Et la neige étend son blanc manteau,
Nous faisant fris[s]on[n]er comme au
seuil du tombeau.
Triste, triste Noël !
Mais haut les cœurs quand même,
Car c’est pour toi, Ô France chérie,
Que nous sommes tous ici.
Fait au camp des prisonniers de
Darmstatt dans la nuit de Noël, le 24 décembre 1914.
Léonce Clarys , Hacquard Jean. /
L’heure a sonnée [sic]
1e Couplet
L’heure a sonnée, inclinez-vous casques
pointus,
Toute notre armée à la frontière est
accouru[e]
Par vos menaces vous êtes maudits de vos
voisins ;
Pour vous chasser, voiez-les [sic] la
main dans la main.
Vous vous disiez « bien fragile,
la triple entende [sic] »
A ce sujet votre nation fut bien
contente.
Mais détromper-vous [sic] car nos
petits pioupious
Sont là devant vous.
Refrain
L’heure a sonnée, vos bravades, vos
fanfaron[n]ades
Sont sans succès et le monde entier
vous regarde.
L’heure a sonnée, écoutez, nos canons
font rages [sic]
Et nos épées saurons [sic] supprimer
les lâches.
2e Couplet
Vos procédés sont monstrueux et
inhumains,
Vous fusillez des innocents, des
Alsaciens, /
Comme des sauvages pilant tout, ne
respectant rien,
C’est un carnage que l’on trouve sur
votre chemin.
Peuples barbares raffinés dans
l’atrocité,
Vos étendards disparaîtront de
l’humanité,
Assassins farouchent [sic] devant
nos cartouches,
Que la mort vous touche !
Au Refrain
3e Couplet
Très convaincu que rien ne pouvait vous
résister,
Vous avez cru, en Belgique, de tout
écraser,
Mais nos Popols ne sont pas des soldats
d’cartons [sic],
Et de leur sol ils ont chassé tous vos
démons.
Allons, Guillaume, pourquoi donc rester
en arrière ?
En gentilhomme t’invite ici le roi
Albert.
Il y a même des Anglais et des p’tits
Français,
Pourquoi refuser ?
Au refrain
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Darmstadt, le 31 janvier 1915. /
Guillaume 2 roi de Prusse
1e Couplet
Pour chasser les barbares
Qu’ils [sic] veulent rentrer chez
nous,
Pour chasser les barbares,
Français sans peur, debout !
Ne versons pas de larmes,
Fièrement prenons les armes.
Refrain
Si le canon gronde,
C’est pour notre liberté,
Liberté du monde,
Qu’on veut mas[s]acrer.
2e Couplet
C’est pour venger les mères,
Pour venger notre sang,
Que nous faisons la guerre
A l’Empereur des Tyrans.
Nous planterons ta tête /
Au bout d’une baïon[n]ette.
Au Refrain
3e Couplet
Guillaume 2, la choucroute,
Oui, nous la mangerons !
Et pour casser la croûte,
Nous mangerons tes jambons,
Nous irons boire ta bière,
Chez toi-même, en Bavière.
Au Refrain
4e Couplet
Guillaume 2 l’infâme,
Majesté des bandits,
Il faut rendre ton âme.
Par tous, tu es maudit,
Maudit par toutes les mères,
Maudit par toute la terre.
Au Refrain
5e Couplet
Guillaume 2 la brute,
Apache couronné,
C’est pour toi la culbute,
Tu seras détrôné. /
Demain, la République
Fermera ta boutique.
Au Refrain
6e Couplet
Guillaume 2 la crapule,
Voleur de grands chemins,
Tu rendras les pendules,
Tu nous rendras le Rhin,
Nos milliards et nos plaines
D’Alsace et de Lorraine.
Au refrain
7e Couplet
Guillaume 2 la canaille,
Oui, nous te saignerons !
Dans le fond d’une étable,
Comme on saigne un cochon.
Devant Nicolas et Georges,
Il faut que l’on t’égorge.
Au Refrain
8e Couplet
Pour toi, pas de cimetière,
Pour toi, pas de tombeau,
T’empoissonnerai [sic] la
terre ! /
Entends-tu, sale bourreau,
Pour que rien ne se perdre [sic],
On te foutera [sic] dans la ………
Fin
Darmstadt, le 3 février 1915.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ma petite Française
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Après une journée sous l’soleil
d’Afrique,
Nos soldats campaient près des
Marocains,
Auprès du bivouac, s’donnant la
réplique,
Ils étaient en rond, parlant du
patelin.
« Moi, dit le sergent, quand
cessera la guerre,
J’veux rester ici vivre en moricaud.
On a, si l’on veut, 4 ou 5 moukères,
De quoi oublier qu’il fait si
chaud ».
Mais le petit soldat dit en se levant,
Fit le salut et dit en rêvant :
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Refrain
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
/
Ma petite Française
Qui m’attend labas [sic],
A des yeux de braise,
Effleure le lilas.
Elle est de Montmarthe [sic],
Tout près du moulin.
J’entends toujours son rire argentin.
Blaguez si vous voulez, les ga[r]s,
Dix moukères ne valent pas,
Thérèse, ma petite Française.
~~~~~~~2e Couplet~~~~~~~
Soudain dans la nuit du désert immense,
Les balles ont sifflées [sic], l’alerte
est au camp.
Sous les plis flottant du drapeau de
France,
A l’instant est fait le rassemblement.
C’est l’ennemi cruel est [sic] féroce.
« Quoi, dit le sergent au petit
soldat,
On dirait ma foi que tu pleures, pauvre
gosse !
C’est-y qu’ t’aurait peur d’aller au
combat ?»
Mais le petit pioupiou qui serrait /
Contre ces [sic] lèvres un vieux
portrait.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Refrain
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ma petite Française
Qui m’attend l’abas [sic],
A des yeux de braise,
Effleure le lilas.
Elle est de Montmarthe [sic],
Tout près du moulin.
Et j’entends toujours son rire
argentin.
Quelques [sic] chose qui me dit tout
bas
Que je ne la reverrai pas,
Thérèse, ma petite Française.
~~~~~~~3e Couplet~~~~~~~
On vient d’apporter sur une civière
Un soldat tout pâle et presque
expirant.
Il a un sillon près de la paupière,
Et sur sa chemise un filet de sang.
L’Général est là, mordant sa moustâche
[sic],
Sur sa tunique bleue, là, tout près du
cœur,
D’un geste tremblant et doux il attache
/
Le ruban des braves et la croix
d’honneur.
Mais le petit pioupiou allait mourir,
On entendit dans un soupir.
~~~~~~~3e Refrain~~~~~~~
Ma petite Française
Qui m’attend labas [sic] a des yeux de
braise,
Effleure le lilas.
Elle est de Montmarthe [sic],
Tout près du moulin.
J’entends toujours son rire argentin.
J’ai mérité la croix d’honneur,
Mais son baiser était meilleur,
Thérèse, ma petite Française.
~~~~~~~Fin~~~~~~~
Fait à Darmstadt le 2 mai 1915 avant le
départ pour Breitenborn parmis [sic] les camarades.
Hacquard Jean, Caporal. /
Une 1e à Berlin
Le théâtre royal de Berlin
Offrait ce soir là aux fiers Prussiens
Un spectacle de gala.
Le traité de Frankfort était
l’anniversaire.
Aussi, pour fêter à Berlin une
première,
Une pièce allemande surtout,
Où l’on voyait des vainqueurs partout
Ecrasant l’Univers à la force de sa
puissance
Les soldats d’Allemagne acharnés sur la
Françe [sic].
La pièce s’appelait le siège de Paris.
Là, les Français étaient écrasés de
mépris,
N’avaient pas assez de mots infâmes
Pour écraser leurs fils et insulter
leurs femmes.
La Françe [sic] n’était plus qu’un pays
de brigands,
Se débattant aux pires efforts
extravagants.
Les soldats, des brigands, chaque armée
une bande,
Mais du côté où règne la grandeur
allemande,
Plus de voleurs, plus d’assas[s]ins.
Guillaume était un dieu, Bismar[c]k un
petit saint. /
Plus de pillards, plus d’incendiaires.
La Françe [sic], pour le mal, était
bien la première,
Et Bazaine à Strasbourg encore fumant
labas [sic],
Avait été incendié par ces propres
soldats.
Or, au moment de la pièce, un acteur,
Le geste insulteur avançat [sic].
De la remise et suprême bravade
Du pays des vainqueurs, lança cette
tirade :
Françe [sic] enfin, nous te tenons,
Ton Paris n’ose plus broncher sous nos
canons,
Tu tremble[s] toute entière en ta chute
profonde.
L’Allemagne ne compte plus
Tes soldats si vantés nous les avons
vaincus.
Nous les avons chassés à coup de plat
de sabre.
Vainement, tu rougis de honte et de
cour[r]oux.
L’Alsace nous appartient, la Lorraine
est à nous.
Nous pouvons à pleine main river tes
caisses,
Et river tes cracants ( ?) de
détresse.
France [sic], terre pourri[e]
Dont la personne n’a pas soin de ses
petits /
Va crever dans ton coin.
L’orsque [sic] resplendissant de ta
cours impérial [sic]
Entouré de ta cour et de tes généraux,
A donné le signal de bravo,
Et que ce même cri de haine et de
vengeance,
Avait secoué toute la salle criant
« A mort, la France ! »
Un homme, d’un fauteuil du balcon, se
leva,
Et jeta ce cri terrible :
« Non, ce n’est pas ça !
Tu mens, sale Prussien ! Tu mens
sale paillasse !
Vous mentez tous ! »
En regardant en face l’Empereur et sa
cour,
Frémissant de cour[r]oux, Vous mentez
tous !
La Françe [sic] vit encore,
Notre cure est immortelle, Paris
Méprise vos crachats et vous crache son
mépris.
Ne parlez pas de gloire, ne parlez pas
d’orgueil,
Vous avez volé chaque victoire.
Généraux et soldats par le nombre
enhardis
Vous n’êtes tous que d’horribles
bandits.
Qui se vantent d’avoir vaincu la Françe
[sic]. /
E[s]t-ce toi Guillaume, qu’affole ta
puissance ?
Toi, Bismar[c]k qui n’a pas un seul
jour
Fait braver le danger sur un champ de
bataille ?
Toi, le redoutable, qui de loin fait
pleuvoir la mitraille ?
Vous, le prince que l’on ne connait
pas,
Te faisant garder par cent mille
soldats ?
Vous, des héros ? Allons,
Alphonse, vos conquêtes
Sup[p]rime les casques et coiffe des casquettes !
Triomphe à Berlin, proclame[nt] vos
héros,
Et pour le monde entier, vous n’êtes
que des sots !
Régiments de bandits, bataillon
d’[h]orlogers,
Vous rencontrent partout, sauf au
danger.
Raçe [sic] de balcieurs (?) en espions
fertile,
Paris marque aujourd’hui votre rage
inutile,
Acréteur (?) de la Saxe, détiens (?)
des Bavarois,
Vous voudriez le long de l’horizon,
Pour la Prusse vous cachez comme
d’horribles méchant[s].
Mais prenez garde !
L’orsque [sic] vous rentrez, la vaste (?)
vous regarde.
De chez nous, nous l’avons déjà joué la
pièce /
Et trois millions de soldats que l’on
presse, répète[nt].
Prenez garde !
La soif du lendemain les gagne.
Ils ont Berlin pour but et pour scène
l’Allemagne,
Et recommenceront demain,
Pour vous jouer le siège de Berlin.
Rappelez-vous de l’hymne d’Allemagne en
détresse,
Qu’alors sous les talons de nos fiers
grenadiers,
Votre reine s’était mise à genoux
Pour demander grâce et pitié.
Ta mère elle-même, vieux Guillaume,
En cachète [sic] suprême,
Aux portes de Berlin pour qu’il s’en
éloigna
Venait baisé [sic] les pieds du
vainqueur d’Yéna.
Ce que nous avons fait, nous le feront
[sic] encore,
Vos murs reverront le drapeau
tricolore.
La vengeance de nos fils ouvrira le
chemin.
Songez à hier, prenez garde à
demain !
La voix s’arrêta dans sa gorge. /
La salle bouillonnant comme une vaste
forge,
On avait couvert son cri d’un long
rugissement
Et fait appel à tout un régiment
Pour mettre à la raison ce Français fou
d’audace.
Quatre gardes royaux l’entrainèrent de
sa place,
L’écrasant aux pieds de leurs fureurs,
Gardé ainsi qu’un malfaiteur.
L’empereur effrayé du courageux
Français,
Sur un signe de miel ( ?) fut
fusillé.
Ah ! Va, Guillaume ! Rougi de
sang ta tête blanche,
Pour une voix de moins ce grand cri de
revanche
N’empêcha pas d’être poussé.
Il faut que nous l’aviyons [sic]
l’effroyable passé.
Assez d’orgueil, assez de crimes,
A bas les assassins, place aux grandes
victimes.
Guillaume cache-toi derrière tes
canons,
Fait redoubler ta garde,
Nous venons pleurer sur tes lauriers,
Chanter sur ta puissance,
L’heure du jugement sonne /
Vive la France.
Fait à Breitenborn le 12 septembre [1915]
par un ennui terrible.
Hacquard Jean, Caporal 120e
de ligne
Stenay. Meuse.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Calcul
943872 - 4832198
+
892453 5348321
______ ________
1836325 101805109
b b
489536
2134
_________
1958144
1468608
489536
979062
_________________
1044669824
b
Colis reçu de ma chère Marraine
1 Colis tabac 16 Mars
1 Colis de vivres et vêtements 22 Mars
1 Colis de vivres 29
Mars
2 Colis de pain et conserves 3 Avril
1 Colis chocolat et biscuits, conserves
17 Avril
1 Colis conserves et biscuits 24 Avril
1 Colis chocolat et biscuits 5 Mai
1 Colis conserves Jeanne 5 Mai
1 Colis effets 6 Mai
1 Colis pains, conserves, sucre 15 Mai +
1 biscuits, conserves 19 Mai
1 biscuits, chocolat, tabac 12 Juin
1 biscuits, chocolat 12
Juin
1 biscuits pain d’épice, sucre 12 Juin
1 colis biscuits 17 Juin
1 colis biscuits, confitures 17
Juin
2 colis biscuits 22 Juin
1 colis biscuits Me S. 8
Juillet
1 colis pain, chocolat 8
Juillet
1 colis pain, chocolat
10 id.
1 colis pain, chocolat
2 h (?) id.
1 colis biscuit effets
id. id.
1 colis biscuit 6 A (?)
1 colis biscuit, chocolat
id.
1 colis biscuit, chocolat, conserves + [illisible]
1 colis biscuit, chocolat 11 id.
1 colis Jeanne 16 id.
1 colis chocolat, pain, serviettes [illisible] 19 20
2 colis biscuit, conserves 24
[Effacé] colis biscuit, chocolat, conserves + [illisible]
FIN DU CARNET
Cette publication, ainsi que la série des "Portraits de Soldats de la Grande Guerre" ont reçu le Prix de l'Education Citoyenne 2018 ainsi que le Témoignage de Reconnaissance d'Education Citoyenne 2018 (prix national) avec médaille de la part des Ordres Nationaux du Mérite et des Palmes Académiques, et de l'Association des Médaillés de la Jeunesse et des Sports, décernés le 28 juin 2018 à la classe de Seconde 11, et à mademoiselle Lisa Hacquard de la Première ST2S 1, à la préfecture de Nancy par monsieur Eric Freysselinard, préfet de Meurthe-et-Moselle et madame Mireille Pichereau de l'Ordre National du Mérite.
Liste des élèves primés:
AMBUHL
Maéva Seconde 11
ARNAUTOU
Juliette Seconde 11
ATSOU
Saïda Seconde 11
BARTHET
Julie Seconde 11
BINET
Thomas Seconde 11
CALIGARA
Tony Seconde 11
COULOMBE
Gabriel Seconde 11
DE
MATTEIS Margaux Seconde 11
DUBOIS
Lila Seconde 11
GREEN-STEFANI
Maé Seconde
11
HACQUARD
Lisa Première ST2S 1
HENRIOT
Emilie Seconde 11
IOOS
Mina Seconde 11
JOB
Manon Seconde 11
LECARME
Mehdi Seconde 11
MARECHAL
Lorraine Seconde 11
MICHEL
Mélissa Seconde 11
PENNEQUIN
Maëva Seconde 11
PERNOT
Lisa Seconde 11
PIMENTA
Evaëlle Seconde 11
QUEVAL
Clara Seconde 11
ROCHA
ALVES Cybel Seconde 11
ROPINSKI
Lymné Seconde 11
ROYER
Kévin Seconde
11
SALZARD
Louise Seconde
11
SCHRAM
Léna Seconde
11
SIERZCHULA
Frédérique Seconde
11
SMOUTS
Robin Seconde
11
TERRAGNI
Sarah Seconde 11
THIEBAUT
Laura Seconde 11
THIESSELIN
Madison Seconde 11
THOMAS
Eva Seconde 11
VAUCLAIRE
Adeline Seconde 11
VERON
Lucie Seconde
11
VICHARD
Enora Seconde
11
ZEIMET
Marine Seconde
11
Le
professeur d’histoire et de géographie
Jérôme
Janczukiewicz